Depuis que nous venons ici, le
rite annuel consiste à visiter la villa del Munts à laquelle j’accède à pied
puisque nous avons choisi d’habituer tout près, tellement que le balcon domine
la piscine de la Faustina. Je vous l’ai montrée vide, puis pleine d’eau de mer
lors du gros orage dernier. Depuis, le temps est devenu tellement maussade avec
des vagues fortes qui m’ont dissuadé d’aller dans l’eau, le sable est parsemé
de cailloux sur lesquels on bute pieds nus, ce serait trop bête de se casser la
figure et de se faire bousculer par une grosse vague, alors qu’on est si loin
de Biarritz !
Je prends donc l’appareil photo,
et la carte bleue pour faire un clic-contact de 2 Euros, privilège des cheveux
blancs ! Comme toujours, pas grand monde sauf un couple d’Allemands, je me
demande s’il y a du nouveau, il n’y en a pas depuis que les latrines ont été
reconstituées, je commence par là histoire d’être ainsi tranquille pour la suite de la visite !
L’orage récent a-t-il laissé des traces d’eau stockée ? Tout cet énorme
impluvium alimentait les citernes permettant d’arroser jardins et pars
agricola périphérique, tout a été évacué, on ne voit que des traces de
terre humide au fond des réceptacles vides.
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sur cette vielle photo aérienne, les latrines en bas à droite ne sont pas aménagés, pas davantage que les thermes chauffés |
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là, le "siège" d'Avitus est restauré à gauche |
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c'est la place de Caius, justement l'Allemand la quitte |
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enfin libre ! |
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on y va à 8 ! |
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la maxima Rambla restaurée elle aussi |
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grands ou petits, les impluviums désespérément vides |
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le grand impluvium du sommet aussi |
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la poussière des mosaïques n'a pas été faite depuis un moment ! |
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je sais : il est interdit de "passer l'éponge" ! |
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grande citerne, et tartane, vides |
Si j’avais gardé le souvenir de
Faustina, J’avais oublié le nom du propriétaire, numéro deux de Tarraco, le
voici retrouvé. Je fais le tour de la villa impériale, les mosaïques pourtant
reconstituées ont perdu leurs belles couleurs il faut dire qu’elles ne les
montrent que mouillées avec une éponge, que j'ai précautionneusement emmenée dans la poche. La tartane est toujours debout,
mystérieuse, comment se remplissait-elle ? se vidait elle ? on
retrouve les traces de canaux en pierre partout, mais impossible de
reconstituer leur trajet, tout au plus reste intact l’énorme impluvium situé en
partie supérieure. La gardienne qui s’ennuie et baragouine un Français
approximatif m’explique qu’il ne faut pas que je croie qu’ici c’est le climat
de l’Afrique : il pleut, il neige en hiver, et avant le réchauffement
climatique récent, tout le monde vivait dans le coin avec l’eau des citernes
récoltée par les toits lors des pluies.
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la piscine est à gauche |
Je sors avec les Allemands, et
prends la ruelle située en face, qui donne directement sur la plage, réduite par
les assauts des vagues : je tombe sur une magnifique plaque :
Passatge de la Faustina, noble romaine, tu parles, c’était l’épouse légitime du
proprio ! Depuis notre résidence, j’ai parcouru tous les jours les
passages publics entre les immeubles accédant à l’eau, et suis arrivé sans voir
la plaque au bout du Passatge en question ! J’ai donc inconsciemment
marché sur les traces de la Faustina !
Comme quoi une
journée maussade entraine une sortie pas terrible
vous fait visiter
des ruines vues des dizaines de fois
pour une surprise
finale de taille :
on en apprend
toujours quand on observe autour de soi !
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pour imiter Faustina, chacun a créé son accès privat à la mare |
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les containers d'ordures donnent à la Villa la modernité qui convient à nos temps |
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24H/24, les vagues s'acharnent sur la Platja et font reculer les jardins préservés |
la platja existera-t-elle encore l'année prochaine ?
le temps passe...
... et la mer monte !
PS : à quoi pouvait bien ressembler Faustina ?
L'avantage des artistes, je parle des créatifs, dont l'imagination est susceptible de reconstituer quitte à inventer : des visages ; des corps ; des situations disparues, est d'offrir à notre imagination en panne des scènes, que nous ne savons reconstituer.
Vous pensez bien que depuis toutes ces années, j'ai pensé à Faustina "noble romaine", en tenant d'imaginer pourquoi son époux, "premier de cordée" de l'époque, avait bien pu la choisir, et créer à deux non sculement une citerne pour recueillir l'eau de pluie, mais une villa impériale dotée d'une piscine située quasiment dans la mer.
Voilà quelques suggestions
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Frédérico Andreotti (1847-1930) représente une italienne tout à fait susceptible de tenir le rôle ! |
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pourquoi pas la Bédouine de Falero ? |
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Godward est toujours précis avec les décors de marbre, et les meubles |
pour mieux coller encore avec la situation :
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Ernest Normand est bien Français, 1886, voilà le fils de Faustina jouant avec les carpes du bassin |
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George Pauli, la fontaine coule d'abondance ! |
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Fortunino Matania (1881-1963) encore un Italien pour représenter les bains |
il ne s'est pas gêné pour représenter notre romaine laçant ses cubiculi
ni Nefertiti conduisant son char royal
les artistes comblent les vides de notre imaginaire !