j'ai refusé de prendre comme titre : "le fauve libéré"
les peintres s'expriment toujours dans leurs nus
Charles Camoin comme ses copains
vente à Lorient samedi 9 juillet 2022 |
Dès 1920, attiré par le sud de son enfance et au vu de ses amis qui ont investi cette Côte d’Azur encore peu fréquentée – Matisse, Marquet et leur ami Manguin la fréquentent régulièrement depuis 1905 – il se partage entre son atelier de l’avenue Junot sur le flanc de la Butte et Saint-Tropez. Les bords de la Méditerranée deviendront son motif d’élection. Avec Marquet, l’inséparable compagnon des sorties et des escapades méditerranéennes, il parcourt la côte l’été, Agay et surtout Saint Tropez. On lui doit du petit port de pêcheurs, découvert et mis à la mode par le peintre et navigateur Signac, sûrement la plus belle vue de la Place aux herbes de Saint-Tropez, mais aussi une autre vue, plus naturaliste, celle d’une des filles du Bar-des-roses, petit estaminet tropézien dans lequel une kyrielle de filles viennent se frotter aux habitués.
Cette Saltimbanque au repos
(aussi titrée La Fille endormie, 1905), que n’aurait pas désavoué le Courbet de
L’Origine du monde, Camoin voulait d’abord la titrer, comme il s’en ouvre à
Matisse : La Nouvelle Olympia – faisant allusion à une toile de Matisse portant
le titre proche d’Une moderne Olympia – et avouant au peintre nordiste vouloir
la présenter au prochain Salon des Indépendants, n’oubliant pas de préciser
avec clairvoyance « Je crains que la censure nous l’interdise ! ». Ce que la
censure fit en ne retenant pas la toile ! Mais, en plus du comité de sélection
du salon, sûrement scandalisé, un quidam, choqué lui aussi, la lacèrera !
Camoin mettra quelques années à en faire la restauration ! Et enfin, Marquet,
en compagnon de route s’attèlera au même modèle sous le titre un brin
provocateur de La Cible ! « Mais il était moins bien placé » précisera malicieusement
Camoin. Cette autre version a malheureusement disparu…
et le port de Cannes |
Le nu sera une des composantes,
mineure certes, de son œuvre. Loin de cette pochade faite dans l’emballement de
la jeunesse et des tournées au Bar-des-Roses tropézien, il tente aussi de «
moderniser » le nu en faisant poser des filles de bordels dans une optique
autant naturaliste qu’en réaction au traitement académique du thème. Il
explorera aussi, tout au long de sa vie, le thème récurrent des « baigneuses »,
porté au pinacle, ces années-là, par un Cézanne qui avait toute l’admiration de
Camoin.
Dans ces mêmes années, de
Marquet, l’ami fidèle, le compagnon de route inlassable, il laissera un
magnifique portrait, très simple, pénétrant dans lequel le « Père Marquet » est
saisi dans une pose simple et des effets de couleurs très cézanniens saisissant
parfaitement le caractère humble du gentil Marquet (Portrait d’Albert Marquet,
vers 1904-1905).
je vous parlerai de Marquet bientôt !
À l’image des autres membres du
trio, Camoin fait son chemin. Dès 1904, la charmante Berthe Weill, qui
découvrit tant de futurs géants, l’accueille dans une exposition de groupe,
mais c’est surtout en 1907 que la galerie Druet lui offre sa première
exposition personnelle, mais il se fâche avec ce dernier et se tourne alors
vers Daniel-Henry Kahnweiler, le marchand des cubistes Picasso, Braque, Gris et
du fauve Derain qui accueille sa première grande exposition d’importance. Il
reviendra chez Druet en 1914 pour présenter ses œuvres « marocaines » faites
lors d’un séjour avec Matisse. Dès lors et jusqu’à sa disparition – et même
après – il disparaîtra rarement des cimaises de galeries et de musées.