Je prépare activement, si Dieu et le covid le veulent bien, notre prochain séjour fin printemps à Tarragone : je suis loin d'avoir découvert toutes les merveilles à portée de voiture ! Si Montserrat est assez loin, le Sanctuaire de la Vierge de
Montserrat (en catalan : Santuari de la Mare de Déu de Montserrat) est un
ermitage situé dans la commune de Montferri, dans la province de Tarragone. L'église de style moderniste comme on dit en Catalogne a commencé d'être construite en 1925
selon un projet de Josep Maria Jujol et, après une longue interruption, a
été achevée en 1999 sous la direction de Joan Bassegoda i Nonell.
Au début du XXe siècle, avant que notre Siècle actuel se donne tout entier au Dieu de la Consommation, il y
avait une grande dévotion à la Vierge de Montserrat à Montferri : selon la
tradition, chaque année, après les vendanges, les habitants de la petite ville qui compte aujourd'hui 400 habitants faisaient un pèlerinage au monastère de Montserrat. Il va bien falloir les imiter et non décider à faire de même ! Pour éviter un si long voyage, le
prêtre jésuite Daniel Vives Solé lance la construction d'un sanctuaire dédié
à la Moreneta à Montferri. Son frère Josep Vives Solé lui donne une partie
d'une terre familiale connue sous le nom d'El Corralet. Le projet est confié
à son cousin germain, l'architecte Josep Maria Jujol. Une histoire de famille !
Il aura fallu attendre le XXIe siècle
pour que des inconditionnels de Jujol, comme l'acteur américain John
Malkovich, le sauvent et l'aident à consolider son prestige moderniste. En se
promenant dans Barcelone, Malkovich tombe sur la casa Planells, l'un des
chefs-d'œuvre de Jujol. Il est abasourdi, captivé, un de
ces moments d'émotion esthétique bouleversante qu'on appelle le syndrome de
Stendhal. Je vous explique plus bas (1). Le bâtiment, comme une grande partie de l'œuvre de Jujol,
était dans un état lamentable à cette époque, avec des signes de détérioration
sur la façade et partiellement recouvert d'une bâche. L'acteur s'enthousiasme pour la Tour de la Croix de Sant Joan Despí ou l'église rurale de
Vistabella, à La Secuita (Tarragone), qui lui fait penser à "un vaisseau spatial
en pierre". Selon lui, l'architecture de Jujol est « simple et intime »,
capable de « toucher le cœur ». L'œuvre d'un visionnaire qui a travaillé avec
passion, courage et sans avoir peur d'innover.
Le 15 novembre 1925, la première pierre du sanctuaire est posée. Les travaux, financés par des dons, sont réalisés par les habitants de Montferri eux-mêmes. À partir de moules en bois, ils fabriquent les briques, en utilisant du gravier de la rivière Gayá mélangé à du ciment. En 1931, la construction est paralysée en raison du manque de fonds et de l'instabilité politique de l'époque. Au moment de l'interruption, un tiers de l'ermitage était achevé, qui fut gravement endommagé par la guerre civile espagnole et par l'abandon des années suivantes.
Ce n'est qu'en 1984 que les
travaux de reconstruction et d'achèvement de l'église sont repris, dirigés par
l'architecte et historien Joan Bassegoda i Nonell en collaboration avec le
constructeur Josep Cendrós. Le sanctuaire est inauguré le 30 mai 1999.
Le bâtiment a un plan polygonal qui tente d'imiter un navire face à Montserrat. Toute la structure est composée d'arcs paraboliques ou caténaires (caractéristiques de l'architecture de Gaudí, je vous remontrerai tout cela bientôt), sans l'utilisation de murs. Les nefs des 42 piliers et des 33 dômes de l'ermitage recréent le profil du massif de Montserrat. Les trois portes d'accès au bâtiment sont en acier forgé , tout comme les garde-corps, copie d'une conception antérieure de Jujol.
Vous savez mon amour des vitraux. Ici, m'architecte a joué avec la lumière en disposant partout des ouvertures, les colorant des couleurs primaires, les mêmes qu'utilise votre imprimante couleur avec le jaune ; le rouge et le bleu : l'effet est magnifique, on baigne dans une atmosphère irréelle :
Lors de la visite de la Basilique Santa Croce, il s'agenouille sur un prie-Dieu, la tête renversée en arrière, pour contempler les fresques de la coupole de la chapelle Niccolini : les Sibylles de Volterrano. Pris de vertiges, il ressent un moment sublime de proximité du Paradis. Il écrit alors :
« J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de cœur, la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber. » — Rome, Naples et Florence, éditions Delaunay, Paris - 1826, tome II, p. 102
Stendhal n’a rien fait pour s’en prémunir puisque, s’asseyant sur un banc de la place, il lut un poème pour se remettre, et vit que ses visions empiraient à la lecture de cette somme de culture ambiante dans les lieux : il fut épris et malade à la fois de tant de profusion.
alors, cette vision ?
je ne vois pas de Sibylles, mais le Père et le Fils, couronnant la Vierge
et désormais tu es averti du syndrome de Stendhal |