Ephippigère des vignes, chez nous ! |
Nous avons des sauterelles en
Europe. Certaines n’ont pas d’ailes, découvrant ainsi leur corps segmenté : on dit : "aptères". Du
coup, elles n’attirent pas forcément le regard, et les prendre dans la main est
toute une aventure, le contact des insectes ! A ce propos, la différence avec les criquets est simple : s'ils appartiennent tous deux aux orthoptères, les sauterelles ont des antennes plus longues que leur corps alors que celles des criquets sont courtes. Les criquets sont végétariens, et les sauterelles omnivores, par exemple, on va voir que si les Weta mangent des carottes, elles ne dédaignent pas les autres insectes !
Saga pedo est ainsi une Sauterelle, l’une
des plus grandes sauterelles d’Europe occidentale. Son corps mesure de 5 à 7,5
cm de longueur et 17 cm du bout des antennes à la pointe du sabre
(ovipositeur). Détail : 60-70 mm de corps + 35-45 mm d’oviscapte + 50-65 mm
d’antennes. Nous l'avions trouvée dans le Lot avec Robert Blanchard. C'était... avant !
Nom commun : « La magicienne dentelée » ou "la langouste de Provence" : elle est
aptère (a- privatif –ptère = aîle ; dépourvue d’aile) comme ses cousines les
Dectinae, une autre sous-famille de la famille des Tettigoniidae ; famille à
laquelle notre pedo appartient. D’un beau vert, orné d’une bande latérale d’un
blanc rosé, mais parfois gris, rehaussé d’une bande jaune pâle, ce curieux
insecte se reconnaît aisément à son corps remarquablement long et grêle, son
pronotum (premier article du thorax) cylindrique et allongé. Le corps et les
pattes sont élancées.
Pour assurer son régime carnivore, elle possède de
puissantes mandibules, capables de broyer la plus solide des pièces
sclérotisées des proies. Saga pedo est de plus pourvue de pattes longues et
robustes ; les fémurs antérieurs et médians étant armés, sur leur face
inférieure, de longues épines ; les tibias antérieurs sont également pourvus de
très fortes épines. Ses pattes ont la faculté de se replier, complètement,
fémurs contre tibias, à la façon d’une pince dentelée. Les fémurs postérieurs,
longs et grêles, portent en dessous des épines moins développées que celles des
deux premières paires de pattes. D’autre part, la poitrine, fortement
cuirassée, porte le complément des appareils de contention sous forme de six
épines robustes.
L’oviscapte (organe de ponte en forme de sabre) est allongé,
doucement incurvé vers le haut, denticulé dans son tiers apical formant
globalement un sabre. En homochromie avec la végétation dans laquelle elle
passe le plus souvent inaperçue, cette Sauterelle a une démarche qui rappelle
un peu les Phasmes.
L’Ephippigère des vignes –
Ephippiger diurnus – est une sauterelle facilement reconnaissable. Sa couleur
varie du jaunâtre au vert olive, et son abdomen est imposant. Sa grande taille
(jusqu’à 30 mm) et ses ailes jaunes très courtes se remarquent aisément, de
même que son pronotum (la « carapace » située entre l’arrière de sa tête et son
abdomen) en forme de selle de cheval. Ce dernier critère justifie un second nom
pour l’Ephippigère des vignes : le Porte-selle.
Outre son physique caractéristique,
l’Ephippigère des vignes a un chant très rapidement identifiable. Court et
strident, son chant en deux temps s’entend de jour comme de nuit lors de la
période estivale. Une observation de quelques minutes permettra au curieux de
voir comment la sauterelle produit ce son, en frottant ses courtes ailes l’une
contre l’autre. Contrairement à d’autres espèces, la femelle est capable de
chanter pour répondre au mâle.
Dans nos régions, l’Ephippigère
des vignes s’observe à l’état adulte à partir de juillet jusqu’en octobre.
L’espèce occupe des milieux ouverts et légèrement arbustifs (friches, prairies
sèches avec buissons...) jusqu’à plus de 2 000 m. Vous en croiserez aisément
sur les talus ensoleillés au bord des sentiers et des pistes.
Pour les plus curieux,
l’observation de l’extrémité de l’abdomen permettra de distinguer mâles et
femelles. Tandis que l’abdomen du mâle se termine par deux cerques courts (deux
fines pointes), la femelle possède une longue « tige » lui permettant de pondre
ses œufs dans le sol : il s’agit de l’oviscape. Ce n’est en aucun cas un dard
risquant de vous piquer, les criquets, grillons et sauterelles étant totalement
inoffensifs !
Chez nous, à l’opposé des
Pyrénées françaises, nous recherchons Antaxius hispanicus,
C’est une sauterelle de taille moyenne - 15 mm pour les mâles à 25 mm pour les
femelles - dont les ailes sont très réduites (microptères). Les couleurs
principales du mâle sont le noir et le brun (voire parfois rougeâtre) avec les
flancs plus clairs. Les ailes sont majoritairement blanches à jaunâtres, seule
la base peut être brune. Les cerques du mâle sont bifides, assez larges et
clairs (caractéristiques des Antaxies). Chez la femelle, la couleur verte vient
se mélanger au brun et au noir. L’oviscapte est droit et aussi long que le
corps. Chez les 2 sexes, le pronotum est lisse, large et recouvre partiellement
les ailes. Un liseré blanchâtre souligne la bordure inférieure du pronotum. La
face inférieure de la tête est blanche. Sa stridulation ne dure que quelques
secondes et se répète toutes les 3-4 secondes.
Cette sauterelle ne se laisse pas
admirer facilement. Farouche, elle cherche toujours à se cacher derrière les
végétaux ou se réfugie avec vivacité.
Cette espèce se rencontre
uniquement dans les Pyrénées à une altitude comprise entre 1300 et 2400 m
d’altitude. C’est une espèce qui occupe principalement les pelouses et les
landes xériques, pourvues ou non d’affleurements rocheux, ainsi que les
éboulis.
Franchissons la planète... vers la Nouvelle Zélande :
La plus grande des sauterelles aptères, est bien loin,
sur une seule ile au monde, l’ile de la petite barrière, en Nouvelle Zélande.
Il s'agit d'un weta géant (Deinacrida spp.). C'est comme le covid19 au masculin, mais la maladie est au féminin : on dit "il" : Il appartient au
sous-ordre des ensifères, qui contient également les sauterelles et les
grillons. Le spécimen découvert par les scientifiques autorisés à débarquer est une femelle de 71 g, soit le poids de 3
souris grises ! Les chercheurs, (accompagnés des chercheuses au féminin) après lui avoir fait manger un bout de carotte,
l'ont relâchée à l'endroit où ils l'avaient trouvée. (c'était une femelle au féminin).
sacrées mandibules |
Après une longue traque, trois
naturalistes sont parvenus à capturer cette femelle qui s'était perchée dans un
arbre de l'île Little Barrier, au nord de la Nouvelle-Zélande. Ces wetas géants
ne sont présents que sur cette île bien qu'il existe environ 70 espèces de
wetas dans le pays. Ceux qui avaient colonisé le reste de la Nouvelle-Zélande
ont été exterminés par les rats importés d'Europe. L'espèce présentant les
individus les plus gros est le Little
Barrier Island giant weta, également connu sous le nom de wetapunga. En 2011, un weta géant
femelle de cette espèce et ayant une masse d'environ 70 g a été capturé, ce qui
en fait l'un des insectes le plus lourd recensé au monde
Les wetas géants doivent leur
taille à un phénomène biologique qu'on appelle le gigantisme insulaire. En
l'absence de prédateur - ce qui est souvent le cas sur les petites îles - les
herbivores (le weta se nourrit également de petits insectes) subissent moins de
pression de sélection et ont tendance à grandir rapidement, en quelques générations. Pareil pour le dragon de Komodo. Vous me direz qu'on explique de la même manière le nanisme insulaire, par exemple la petite taille de l'éléphant nain disparu de Crète, dont la petite taille permettait de s'adapter à la pauvreté de l'alimentation locale.
Prions pour que Little Barrier Island reste une zone protégée
interdite aux humains, et aux rats,
(sauf les biologistes-autorisés naturellement) !