Revisiter la vie de Colette au
travers du prisme américain, ça valait le coup ? On sort de voir le film Colette, on a en pratique vu la première partie de la vie de notre écrivain
mythique, c'est-à-dire Claudine, et la frustration nous conduit à espérer la
suite : « Colette, le retour » ?
Il faut avouer que nous sortons
de la séance en Français de 14H15, il aurait sans doute fallu voir la version officielle en langue d'origine, l'anglais, mais elle était programmée juste
après : nous n’avons pas eu le courage ! Le film a donc été traduit
en Français, avec de nombreuses séquences où Colette (plutôt Claudine) écrit à la plume d’une jolie écriture : en français ... comment font les spectateurs anglo-saxons
pour lire cette langue étrangère ? A moins que leur version montre les textes écrits en Anglais ?
Nous ne le saurons jamais, pas près de revoir la partie actuelle dite première
partie, tant que nous ne verrons vraiment pas la suite, la vie de Colette !
Je m’attendais notamment à ce que
l’on visite la maison de Saint-Sauveur en Puisaye, à ce que l’on se promène
dans le jardin… qu’il y vole des papillons … ! Tu parles ! rien du
tout ! pas un papillon… pas même un chat alors qu’ils entouraient Colette ! (1)
Une auteur française par un américain, seuls les clichés l’intéressent : on n’évoque même pas le titre : « le blé en herbe » !
Une auteur française par un américain, seuls les clichés l’intéressent : on n’évoque même pas le titre : « le blé en herbe » !
souhaitant notamment savoir où avaient été tournées les scènes
Notamment celles de train à
vapeur, où une locomotive à deux roues motrices typiquement anglaise, inhabituelle en France, tire des
wagons inadaptés de style Pullman, alors qu’il s’agit de trains de banlieue
dont les voitures ne devraient avoir que deux essieux.
Voilà l’intégrale :
"Colette est le premier
long-métrage solo de Wash Westmoreland, qui jusque-là avait coréalisé tous ses
films avec son compagnon Richard Glatzer, décédé des suites de la maladie de
Charcot le 10 mars 2015. Les oeuvres de Colette ont été de nombreuses fois
adaptées au cinéma, les plus connues étant Gigi de Vincente Minelli (1958) et
Chéri de Stephen Frears (2009). L'écrivaine française a quant à elle été
incarnée à l'écran par notamment Mathilda May dans Devenir Colette et par Marie
Trintignant dans le téléfilm Colette, une femme libre réalisé en 2003 par sa
mère Nadine Trintignant".
"L'écriture de Colette a commencé
en France à l'été 2001 sous le titre de Colette et Willy. Richard Glatzer et
Wash Westmoreland comptaient s'installer dans un appartement parisien prêté par
un ami mais ils ont eu la désagréable surprise de découvrir une fois sur place
que le logement avait été loué. Ils ont dû, faute de trouver mieux, se rabattre
sur une maison de campagne qui s'est avérée être un manoir du XVe siècle en
piteux état sans internet ni télévision. Totalement coupés du monde moderne, le
duo a pu pondre une première version du scénario en une dizaine de jours".
"Mais l'écriture était loin d'être
terminée : pas moins de vingt versions du script ont vu le jour en seize ans.
Westmoreland se souvient : "Tous les ans, on essayait de resserrer
l’intrigue parce qu’on avait une matière pléthorique et que, le plus souvent,
la vie ne se résume pas à une sympathique construction en trois actes. Réussir
à raconter l’histoire de manière à ce qu’elle se prête à une forme
cinématographique a été une tâche immense".
Ouf, Anne de Jouvenel
intervient !
"Lors de l'écriture de la première
version du scénario, Richard Glatzer et Wash Westmoreland séjournaient dans un
manoir prêté par un ami. Il s'est avéré que la tante de ce dernier était très
proche d’Anne de Jouvenel… qui n'était autre qu'une parente de Colette ! Une
aubaine pour le réalisateur : "Nous voilà ensuite à Paris en train de
prendre une tasse de thé avec la baronne de Jouvenel. Nous avons sympathisé
avec elle et elle a été emballée par notre projet : elle nous a autorisés
officiellement à utiliser tous les textes de Colette qui figurent dans le
scénario".
Un film né dans la
douleur
"Colette est né de l'intérêt que
portait Richard Glatzer, partenaire et compagnon du réalisateur, à l'auteure
française. En 1999, il s'est mis à lire des ouvrages sur elle et a émis l'idée
d'en faire le sujet d'un film. Alors que Wash Westmoreland et Glatzer étaient
sous le feu des projecteurs grâce à l'Oscar de Julianne Moore pour Still Alice,
ils décident de s'atteler enfin à Colette. Malheureusement, Glatzer était
hospitalisé et ne pouvait plus communiquer que via une application sur iPad de
conversion de texte en son en utilisant un doigt de pied. Il décède peu de
temps après. Pour Westmoreland, "C’était un moment très difficile et très
sombre de ma vie, et j’étais dans une grande détresse, mais le film m’a donné
un objectif auquel me raccrocher. J’ai pris la décision de faire Colette pour
perpétuer sa mémoire, et je voulais m’appuyer sur la complicité artistique que
j’avais nouée avec lui pour faire un film très moderne".
nous sommes en Angleterre |
alors que la maison-musée réouverte le 2 avril 2016, est à Saint-Sauveur en Puisaye |
"Lorsque la productrice Elizabeth
Karlsen conseille l'ajout d'un nouveau coscénariste pour finaliser le script,
Westmoreland refuse catégoriquement avant de voir le nom de Rebecca Lenkiewicz,
scénariste d'Ida : "J’avais tellement aimé Ida que j’ai eu envie de la
rencontrer. J’étais à Los Angeles et Rebecca était à Londres, si bien qu’on a
d’abord échangé par Skype pendant plusieurs mois. Mais chacun a aussitôt été
sensible aux idées de l’autre. Elle a insufflé une énergie nouvelle au projet,
mais aussi ses intuitions, et son point de vue de femme dont on avait un vrai
besoin".
Ouf, voilà Keira !
"Le réalisateur avait Keira
Knightley en tête dès le début pour le rôle de Colette et l'a rencontrée la
première fois via FaceTime, alors qu'il était invité au Shanghai Film Festival.
Il était alors minuit et il ne lui restait presque plus de batterie. En
quelques minutes, il réussit à la convaincre de participer à l'aventure juste
avant que son téléphone ne s'éteigne : "Je me suis retrouvé à fixer un
écran noir dans ma main, stupéfait, en me répétant que je n’arrivais pas à
croire ce qui venait de se passer. Car c’est tellement rare qu’une star de son
envergure accepte de s’engager si rapidement… C’est donc un petit miracle qui
s’est produit".
Un casting qui
bouscule les conventions
"Autour de Keira Knightley et
Dominic West, le réalisateur a réuni un acteur transgenre pour interpréter un
personnage cisgenre – Jake Graf dans le rôle de Gaston De Caillavet – et
Rebecca Root, comédienne transgenre pour une femme cisgenre [la romancière
Rachilde]. Il ajoute : "J’ai aussi engagé Ray Panthaki, Anglais d’origine
asiatique, pour le personnage de Pierre Veber qui était blanc dans la réalité,
et Johnny K Palmer, acteur noir, pour camper Paul Heon, une autre figure
historique – et blanche. Encore une fois, ce n’est pas courant dans les oeuvres
en costumes, même si c’est très fréquent dans l’autre sens ! Je me suis dit
qu’à l’époque de Colette, on s’affranchissait des règles et des conventions
sociales, et qu’on s’ouvrait au monde. Du coup, le casting du film devait s’en
faire l’écho…. Et ça me semblait cohérent".dans la réalité, et Johnny K
Palmer, acteur noir, pour camper Paul Heon, une autre figure historique – et
blanche. Encore une fois, ce n’est pas courant dans les oeuvres en costumes,
même si c’est très fréquent dans l’autre sens ! Je me suis dit qu’à l’époque de
Colette, on s’affranchissait des règles et des conventions sociales, et qu’on
s’ouvrait au monde. Du coup, le casting du film devait s’en faire l’écho…. Et
ça me semblait cohérent".
Paris... à Budapest, (moins cher) !
"Les plans extérieurs ont été
tournés à Paris mais la campagne française a été reconstituée dans les régions
du Northamptonshire et de l’Oxfordshire. Bingo,
tout s’explique notamment le train, sans oublier la maison ! Faute de budget nécessaire pour tourner entièrement
à Paris, l'équipe s'est également installée à Budapest où elle a tourné en
décors naturels et dans les studios Origo. Le réalisateur explique : "Il se trouve qu’à la fin du XIXe
siècle, Budapest s’est délibérément inspiré de Paris. À la fin des années 1890,
les architectes ont redessiné la ville sur le modèle parisien, avec notamment
l’avenue Andrassy, les « Champs-Élysées » de Budapest. Et en raison des
difficultés économiques de la Hongrie, plusieurs sites n’étaient ni rénovés, ni
rafraîchis, et c’était un atout majeur. Du coup, on a pu avoir accès à de très
nombreux immeubles patriciens d’autrefois dont on s’est servi pour les
intérieurs. Il y a même un Moulin Rouge à Budapest ! C’est une copie du Moulin
Rouge de Paris, mais en deux fois moins grand. Cependant, il n’a pas été modernisé
comme l’original, si bien qu’il correspondait parfaitement à nos besoins".
Tout s’explique, et
un bon Français s’aperçoit vite de la supercherie !
"Si l'équipe était ravie de
tourner en Hongrie, elle a toutefois souffert des fortes chaleurs. En effet, un
épisode de canicule a frappé Budapest pendant l'été 2017. Les comédiens en
costumes de tweed en ont particulièrement bavé, dont Dominic West qui portait
en plus une combinaison rembourrée. Keira Knightley se souvient : "on a dû lui fabriquer un système
rafraîchissant intégré : il devait se brancher à un sac qui propageait un
liquide froid lui permettant de le maintenir au frais".
"Wash Westmoreland affirme avoir
été marqué par Max Ophüls, en particulier Le Plaisir et Madame de... :
"Ses héroïnes semblent glisser avec fluidité. Au lieu de filmer une scène
de bal en plan large, il s’attache à ses personnages qui se fraient un chemin à
travers la foule. Je me suis dit que je voulais présenter l’univers de Colette
de cette façon, en adoptant le point de vue de la protagoniste. Du coup, quand
Colette se rend dans un salon à Paris pour la première fois, nous avons mis pas
mal de temps à construire ce plan largement inspiré d’Ophüls, où on la voit
déambuler dans cet espace et s’imprégner de tout ce qu’elle y découvre".
Quant à la scène de danse du spectacle Rêve d'Egypte, l'inspiration est plutôt
à chercher du côté de Metropolis et de la première apparition de la femme-robot
à l'écran".
tout cela m'a donné envie de relire Claudine à Paris !
c'est donc une réussite !
on peut aussi relire le bouquin :
"Splendeur des papillons"
et imaginer ainsi la vie à Saint-Sauveur en Puisaye ?
la chasse aux papillons Berthe Morisot 1874 Musée d'Orsay, bords de l'Oise à Maurecourt |
PS (1) ... Autour des souches, des campanules mauves, des aigremoines jaunes ont jailli en fusées, et des chanvres roses au parfum d'amande amère. Le papillon «citron» y tournoie ; vert comme une feuille malade, vert comme un limon amer, il s'envole si je le suis, et surveille le moindre mouvement de mes mains. Les sylvains roux, couleur de sillon, se lèvent en nuage devant mes pas, et leurs lunules fauves semblent m'épier. Un grand Mars farouche franchit le bois et fait resplendir, au soleil, hors de toute atteinte, l'azur et l'argent d'une belle nuit de lune ...
Mais le radieux paon-de-jour, en velours cramoisi, frappé
d'yeux bleuâtres, clouté de turquoises, plus frais que la plus fraîche fleur, attend,
confiant, la main qui l'emprisonne. Je le cueille, plié en deux comme un
billet, noir au-dehors, flamme au-dedans. J'entrouvre de force ses ailes de
diablotin luxueux, j'admire, près de son corselet, la nacre d'un duvet long,
mordoré, qui se soulève à mon souffle, les sombres pattes fragiles et
tremblantes, les yeux moirés comme ceux d'une abeille...
Puis je desserre mes
doigts, et son vol nonchalant le ramène sur la même fleur où je puis le
cueillir encore, car il butine, goulu, content, déjà rassuré, fa trompe raidie
et les ailes ouvertes, avec un doux battement voluptueux d'éventail
La paix chez les bêtes
« Je suis devenue écrivain sans
m’en apercevoir, et sans que personne s’en doutât. Sortie d’une ombre anonyme,
auteur de plusieurs livres dont quelques-uns étaient signés de mon nom, je
m’étonnais encore que l’on m’appelât écrivain, qu’un éditeur et un public me
traitassent en écrivain, et j’attribuais ces coïncidences renouvelées à un
hasard complaisant, hasard qui de palier en palier, de rencontre en prodige,
m’a amenée jusqu’ici. » (Discours de réception à l’Académie royale de langue et
de littérature françaises de Belgique)
« […] il importe seulement que je dénude et hisse au jour ce
que l’œil humain n’a pas, avant le mien, touché… »