L'ekphrasis [ἔκϕρασις] (sur
phrazô [ϕράζω], faire comprendre, expliquer, et ek [ἐκ], jusqu'au bout) est une
mise en phrases qui épuise son objet, et désigne terminologiquement les
descriptions, minutieuses et complètes, qu'on donne des oeuvres d'art.
Notre ami Luchini, qui brigue le
fauteuil d’Académicien de Max Gallo, autre ex-immigré italien, vient de découvrir ce terme, au Louvre, où il avoue ne
pas comprendre la plupart des peintures présentées (1). Pour ma part, je ne vaux guère mieux, même si je tente d'améliorer mes connaissances ! Ainsi, l’émission D’art
dare pratique l’ekphrasis, et votre serviteur quand il explique la mosaïque
trouvée dans la Casa di Giove reprend cet art millénaire, que pratiquait
Homère.
La première, et sans doute la
plus célèbre, ekphrasis connue est en effet celle qu' Homère donne, à la fin du
chant XVIII de l'Iliade, du bouclier d'Achille forgé par Héphaistos. L'arme a
été fabriquée à la demande de Thétis, non pour permettre à son fils de résister
à la mort, mais pour que « tous soient émerveillés » quand le destin
l'atteindra. C'est une œuvre cosmo-politique, où sont représentés, non
seulement Terre, Ciel, Mer, bordés par le fleuve Océan, mais deux cités dans le
détail de leur vie, l'une en paix et l'autre en guerre. Le poète aveugle
produit la première synthèse du monde des mortels, prouvant ainsi pour la
première fois que la poésie est plus philosophique que l'histoire.
encore une fresque de Pompéi |
"La peinture que l'ekphrasis décrit est déjà un récit : « une image peinte, une histoire d'amour ». Enfin, ce récit peint, il s'agit d'y « répliquer ». L'expression grecque, ἀντιγράψαι τῇ γραϕῇ, est bien plus rigoureuse : il faut écrire « contre » et « à nouveau », rivaliser et recopier ce premier écrit qu'est la peinture, en jouant à la fois l'avocat de la défense et le greffier. Ce « rescrit », cette « réplique », est l'interprétation de la peinture en quatre livres. À l'ut poesis pictura qu'est la graphê [γραϕή], la peinture, succède l' ut pictura poesis qu'est l'antigraphê [ἀντιγραϕή], la pastorale elle-même : il ne saurait donc s'agir que d'un ut poesis poesis, qui procède du mot au mot".
ce n'est pas de moi : c'est trop beau !
Je viens de comprendre pourquoi
je suis sensible à la peinture classique, qui présente par exemple une scène de mythologie,
et raconte une histoire. Voilà pourquoi je suis moins sensible à la peinture
contemporaine, qui se limite à provoquer une émotion esthétique, due aux formes et aux couleurs, (un petit-peu au scandale) sans référence
à une quelconque histoire.
je reprends la citation par laquelle j'ai commencé :
"Avec l'ekphrasis, on est au plus
loin de la phusis et de cette physique première qu'est la philosophie, chargée
de dire les choses qui sont comme, en tant que, et par où elles sont ; au plus
loin d'une description phénoménologique immédiate et d'une ontologie innocente. (vous suivez ?) On entre dans l'art et dans l'artifice, dominés et modélisés par la capacité
performative, efficace, créatrice que possède le discours affranchi du vrai et
du faux, lorsqu'au lieu de dire ce qu'il voit, il fait voir ce qu'il dit". (vous avez suivi ?)
Ces propos ne sont (toujours) pas de moi,
cela se voit du premier coup d’œil, dans la mesure où il faut les relire plusieurs
fois sans être assuré de bien comprendre : je n’ai aucun complexe à citer
mes sources (savantes) que voici :
PS : en tapant Vulcain dans la lucarne en haut à gauche de ce blog, vous trouverez plein d'ekphrasis dont celle-ci :
https://babone5go2.blogspot.com/2015/08/lecaille-chinee-de-piero-de-cosimo.html
je vous offre la reconstitution du bouclier de Philip Rundell 1821 :
PS (1) :