10 choses à savoir
sur Francis Joyon, vainqueur de la Route du Rhum 2018
Francis Joyon célèbre sa victoire de la
Route du Rhum 2018, le 11 novembre (GILLES MOREL/SIMAX/SIPA) :
Le marin de 62 ans s’est imposé
dans les derniers instants devant François Gabart après une course
d’anthologie. Par Alexandre Le Drollec (avec Gurvan Le Guellec et François
Sionneau)
Publié le 12 novembre 2018 à 16h41
Tous les objectifs étaient rivés
sur les multicoques dernière génération qui allaient littéralement survoler la
Route du Rhum 2018 grâce à leurs foils. A peine prêtait-on attention à Francis
Joyon et à son bateau de 2006. C'est pourtant lui qui, a 62 ans, s'est imposé
avec maestria en s'adjugeant au passage le record de la course.
1-Sur la ligne !
Après sept participations,
Francis Joyon a remporté sa première Route du Rhum. Et de quelle manière !
L'incroyable remontada du skipper de Locmariaquer (Morbihan) – qui a dépassé
François Gabart à moins de 30 miles de l'arrivée – restera dans l'histoire de
la navigation moderne. Au passage, Joyon s'est emparé du record de la course
qu'il a bouclée en 7 jours, 14 heures et 21 minutes. Son jeune rival a coupé la
ligne sept minutes plus tard.
2-IDEC
-"Je n'ai pas beaucoup de
mérite, le bateau gagne à chaque fois." A peine arrivé, Joyon a
malicieusement rappelé le pedigree de son maxi trimaran Idec Sport. Mis à l'eau
en 2006 et d'une incroyable longévité, ce mastodonte de 31.5 mètres de long a
déjà gagné deux Routes du Rhum. Le bateau était alors barré par Franck Cammas
(2010) et Loïck Peyron (2014).
3-A l'ancienne…
Joyon, 62 ans, est un navigateur
à l'ancienne. Pour le skipper Yann Eliès, "Francis est le détenteur de
l'image du marin version Tabarly, le dernier des Mohicans de cette
génération-là". La victoire surprise du sexagénaire – alors qu'on
attendait plutôt Armel Le Cléac'h (41 ans) ou François Gabart (35 ans) – passe d'ailleurs comme la revanche du
"vieux monde" sur le "nouveau".
Car Francis Joyon est un marin
comme on n'en fait plus. Et, malgré son goût de la compétition, il dit
d'ailleurs regretter "un peu" "le charme de cette époque où l'on
allait au bout du truc", sans GPS, sans système de routage, avec des
bateaux beaucoup plus rustiques qu'aujourd'hui : -"Il y avait un plaisir
intellectuel à se positionner par rapport aux astres, à être coupé de tout, à
vivre en harmonie avec les éléments."
4-…et indépendant
Il n'a pas fréquenté les filières
classiques de régatiers ("le Figaro", la voile olympique, le Tour de
France à la voile) et n'a jamais fait partie des "bandes" de Tabarly
ou de Kersauson. -"J'ai quelques sympathies
fortes dans le milieu mais c'est vrai que je n'ai pas vraiment de cercles
précis auxquels m'identifier".
Non content de jouer les ermites
des mers, le marin n'aime pas les honneurs et se limite au minimum syndical en
matière d'obligation protocolaire. Son fidèle attaché de presse, Fabrice
Thomazeau, et son sponsor depuis 16 ans, le groupe Idec – une PME de
l'immobilier – en ont pris leur parti.
Dimanche, après son arrivée à Pointe-à-Pitre, il a dit bonjour, a avalé un
steak et est parti se coucher.
5-Fibre écolo
Joyon a, depuis longtemps, la
conscience écolo. Le marin taiseux devient d'ailleurs plus prolixe quand il
s'agit de parler environnement et transition énergétique. Sûr de ses
convictions, il a déjà dit "niet" à un géant mondial de l'automobile
désireux de le financer. -"Des sponsors liés au pétrole ou aux énergies
non-renouvelables, je ne peux pas les accepter. On sait que les industries
polluantes cherchent à s'associer avec des skippers pour redorer leur image.
Chacun fait ce qu'il veut, chacun sa merde. Moi, je veux pouvoir me regarder
sans honte."
6-"Beauceron des mers"
Terrien avant d'être un marin. Né
à Hanches (Eure-et-Loir), Joyon a grandi à Droue-sur-Drouette, bourgade de la
Beauce de 1.200 habitants, et se décrit comme un "Beauceron des
mers". Père décorateur et mère instit, personne ne navigue dans sa
famille. Il découvre le plaisir de la mer à 16 ans. Comment ? -"Gamin, avec
mon frère, on avait un délire : prendre nos vélos, une tente et partir. Un
jour, on est allé en Bretagne. C'était tout droit. Là, j'ai vraiment découvert
la mer." Joyon apprend les bases de la navigation aux Glénans et fabrique
très vite son premier bateau en bois dans l'atelier de menuiserie paternel.
les nouveaux foils permettent au bateau de sortir de l'eau en gagnant 3-4 noeuds, tout en conservant la solidité des flotteurs |
Même force herculéenne, même aversion pour la com : Joyon
est souvent comparé à Eric Tabarly.
-"Qui ne serait pas flatté
d'être comparé à l'homme qui est à l'origine de la voile moderne ?, nous
confiait-il il y a quelques années. Eric est un modèle, un type exemplaire qui
a su rester marin et humain. C'est un homme qui, malgré toutes les vicissitudes
de la vie, a toujours réussi à mener ses projets et réaliser de beaux
bateaux."
8-Bête à records
Plus qu'un homme de course, Joyon
est un chasseur de records. En solitaire ou en équipage. Eté 2017 : son bateau
est à New York et il faut le ramener en Bretagne ? L'occasion de signer le
record de la traversée de l'Atlantique en solitaire. Quelques mois plus tôt, il
avait bouclé le trophée Jules-Verne en 40 jours et 23 heures, soit 4 jours de
mieux que son prédécesseur ! Un record qui reste à battre !
9-Les débuts du "rigolo"
Sa première incursion dans la
course au large ? C'était à la fin des années 1980. Joyon s'aligne alors sur la
Route de la Découverte (Cadix-San Salvador) à bord d'un catamaran qu'il a
retapé de A à Z après avoir racheté la vieille coque d'"Elf-Aquitaine".
"Tout le monde le regardait comme un rigolo", se rappelle un de ses
proches.
10-"Allô, c'est Sarko"
Janvier 2008, rade de Brest.
Joyon, qui vient d'avaler un tour du monde en un temps record (57 jours),
reçoit un coup de fil de l'Elysée. Le président Sarkozy veut lui parler et le
rencontrer. Refus tout net de l'intéressé. Pas envie d'associer son image à
celle du chef de l'Etat. Il finit par accepter une rencontre au Palais.
L'entretien dure une heure et demie. -"Il y a eu un peu de tirage sur le
nucléaire, un sujet sur lequel M. Sarkozy et moi avons des opinions totalement
divergentes."
Le bateau triple tenant du titre de la Route du Rhum
En 2010, Franck Cammas
relève un défi que beaucoup pensent impossible, ou du moins très compliqué :
remporter la Route du Rhum, seul sur son maxi trimaran de 31,50 mètres, doté
pour l’occasion d’un gréement ramassé et d’un plan de pont adapté. La
démonstration de Cammas est éclatante : après 9 jours 3 heures 14 minutes 47
secondes de mer, il s’impose à Pointe-à-Pitre devant Francis Joyon et Thomas
Coville. Le bateau est ensuite racheté et devient Banque Populaire VII. Remis à
l’eau le 15 avril 2013 à Lorient, le bateau étoffe son palmarès entre les mains
d’Armel Le Cléac’h qui bat plusieurs records en solitaire à son bord :
Méditerranée, Route de La Découverte et distance parcourue sur 24 heures (682
milles). Blessé à la main, Armel Le Cléac’h est contraint de déclarer forfait
pour la Route du Rhum. Il est remplacé au pied levé par Loïck Peyron à la barre
du maxi trimaran tenant du titre de la prestigieuse transatlantique. Après une
très belle course, Peyron remporte la 10e édition de la Route du Rhum en 7
jours, 15 heures 8 minutes et 32 secondes – nouveau record de l’épreuve !
Portant désormais les couleurs d’IDEC SPORT avec Francis Joyon à la barre, ce
maxi trimaran remporte pour la troisième fois le trophée !
Et ensuite ?