jeudi 9 août 2018

Villa Astor, Sorrento (5)



Toute cette nouvelle histoire part encore une fois d’un film, sur Arte, (on se dit que cela doit être bien puisque c'est la chaîne intello), d’autant que (comme dans Mamma Mia) l’acteur principal est Pierce Brosnan, l’ex James Bond, l'amoureux de Donna. 

La chaleur caniculaire de ce début août incite à rester à l’ombre, et on regarde : les décors sont magnifiques, la mer, la Méditerranée, le soleil : dès les premières images, on reconnait l’Italie, le sud, la côte Amalfitaine, les citrons de Sperrone que justement récolte Philip (1), puisque c’est son prénom dans le film. Le titre anglais du film est plein de promesses : « Love is all you need » (Den skaldede frisør à l'origine avec une typographie qui sent son Suédois). Avec un tel titre, l’amour triomphe de tout, on ne risque pas grand-chose ! On est même curieux de voir de quoi il triomphe, l’amour ? Il s’agit d’une comédie romantique danoise-suédoise-italienne-française et allemande, dis-donc ! réalisée par Susanne Bier, sortie le 19 décembre 2012 en France. Nous n’avons que six ans de retard !


Ida, coiffeuse danoise, est en fin de traitement d'un cancer dont on espère (avec elle) la guérison. Philip, lui, est un homme d'affaires qui a réussi. Anglais installé au Danemark, il se rend en Italie (dans sa villa de Sorrente, en Campanie, entourée de citronniers) où son fils Patrick va épouser Astrid, la fille d'Ida : les deux belles-familles se retrouvent sur place, logées dans la très grande villa de Philip. Il est divorcé, donc libre... Nous, on s'en fiche, on adore la déco ! Rien bien entendu ne va se passer comme prévu, c’est tout l’intérêt que je ne vous raconte rien pour vous laisser la surprise.




















Je fais donc une attention extrême aux paysages, aux détails, aux citrons (1), et une scène est déterminante : Patrick la veille de son mariage, un peu dépressif, s’est réfugié sur la plage caillouteuse où le rejoint Philip son père, et ils sont dans une grotte, dans la falaise. Une grotte avec une plage privée, pas un chat, pas de touristes, 

... on rêve !


Je découvre alors que nous sommes à Sperrone, dans un coin que les (riches) Romains affectionnaient tellement que pas loin il y a Pompéi et Herculanum. Je m’interroge comme pour Mamma Mia sur les hôtels que fréquentaient les acteurs, jusqu’à ce que je tombe sur un site internet joyeusement nommé : In villas veritas, avec un créateur plein d’humour (latin) ! Toutes les plus belles villas du monde sont énumérées, (je découvre un séjour de rêve en plein Barcelone, mais cela n’a aucun rapport avec notre affaire)...


vous comprendrez plus tard la raison de cette photo montrant l'entrée des thermes antiques 

... car je tombe sur la Villa Astor, une merveille, prête à m’accueillir, à vous accueillir, plutôt en morte saison vu les prix exorbitants pratiqués pour les estivants habituels, tous appartenant à la jet-set, (ou bien dégagés de l'ISF et ne payant pas le nouvel ISI, et pouvant passer ainsi des vacances de rêve en Amalfie).


et l'histoire commence au premier siècle !




Au 1er siècle en effet, Agrippa Postumus, petit-fils de l'empereur Auguste, construit une belle villa au même endroit. Je fais mes recherches habituelles sur Googlemap, pour découvrir que la villa s'appelle : Tritone. Vous devinez la statue au milieu du jardin ! L'équivalent, en mec, de mes chères sirènes, armé d'un trident ! Comme à Versailles, ou aux thermes de Buticosus à Ostie ! Ovide était un visiteur fréquent. Sur le même site, au XIIIe siècle, un couvent est construit pour les religieuses cloîtrées. Plus tard, à la fin du XVIe siècle, après une invasion destructrice des Sarrasins, la maison est reconstruite par les Dominicains, qui commencent à cultiver le jardin, apportant les premiers agrumes du Moyen-Orient. À cette époque, en 1577, Torquato Tasso, le plus grand poète de Sorrento, auteur de "Jerusalem Delivered", partageait ses tourments avec le prieur du monastère.


En 1888, le comte Labonia, distingué collectionneur d'antiquités et ami de Schliemann, qui découvrit la ville de Troie, achète le terrain et entreprend la construction de la maison qu'il baptise " Aux Roches Grises ". 



Lorsque William Waldorf Astor achète ce qui devient sa villa sur les falaises de Sorrente en 1905, il est l'une des personnes les plus riches de la planète. Son arrière-grand-père avait fait fortune -comme Donald Trump- dans l’immobilier, et les générations suivantes amplifient sa réussite, en achetant le Waldorf Astoria Hotel à New York par exemple.





Une sacrée affaire : Astor achète la propriété pour 110.210 lires ! À l'époque, il était également en possession de Cliveden House, un imposant manoir palladien du Buckinghamshire, en Angleterre, acheté pour 1,25 million de dollars américains ; 18 Carlton House Terrace, un manoir de 67.000 pieds carrés surplombant le parc St. James à Londres; et le château de Hever dans le Kent, construit à l'origine pour la famille d'Anne Boleyn. Par contre, Astor aurait dépensé plus tard 10 millions de livres (environ 110 millions de dollars aujourd'hui) pour  rénover son acquisition.

La villa de Sorrente, bien qu'elle ne soit pas aussi grande que les autres palais d'Astor, devient une sorte de hobby passionnel. Après avoir rénové la maison de 1905 à 1908, la transformant en villa pompéienne, remplie par la suite d'antiquités inestimables, -provenant de Pompéi et Herculanum toutes proches-, il entreprend d'acquérir les parcelles de terrain environnantes et crée un jardin botanique luxuriant : comme tout un chacun, William Waldorf, même bien établi en Angleterre, se sentait attiré par l’Italie , pays qui pour lui représentait la civilisation, le plaisir sensuel ... et l'amour. 

...nous y revoilà !

La famille a conservé la propriété jusqu'en 1919. Puis elle change de mains au cours des décennies et est achetée dans les années 1970 par Rita Vessichelli Pane et son mari Mariano.  Ils la conservent plus de quarante ans, la revendant en 2012. 

C’est la date de la restauration actuelle :

J’adore le style (pompéien) du décorateur Jacques Garcia, son sens de la symétrie, son amour pour le velours rouge, sa capacité à s’entourer d’objets sublissimes. Bref ! Je découvre que le nouveau propriétaire de l'établissement a fait appel à lui pour la décoration de la villa Astor ! Un bouquin,  Paradise Restored, rend compte de l’état de l’art.

C'est plein de décors rouges, d'antiquités anciennes, mélangées à des objets d'art français et italiens, anciens et contemporains, c'est magnifique, grandiose, des salles de bain et leur baignoire en marbre, et les anciens bains romains intacts au niveau de la mer, accessibles par un ascenseur intérieur.













l'original à Pompéi







je vous avais promis cette photo d'entrée : les bains romains d'Agrippa Postumus intacts donnant sur la mer

Ce qui n’a pas changé, c’est la vision romantique d’Astor du paradis terrestre où sa passion pour le passé, sa créativité et son amour de la nature pouvaient apaiser son âme par la beauté et la paix.

Comme quoi on peut agréablement voyager au Paradis

en regardant un film sur Arte

un chaud après-midi de canicule !






PS (1) : Le citron de Sorrente ou Limone di Sorrento est un agrume caractéristique de la péninsule de Sorrente et de l’île de Capri, dans la province de Naples.

Ce fruit très parfumé se distingue par sa pulpe très douce et très juteuse et par ses rares pépins. Il doit peser au moins 85 grammes, car il s’agit d’un citron de calibre moyen à gros.


La présence du citron dans la province de Naples depuis l’Antiquité est attestée par la représentation de cet agrume dans des peintures et mosaïques découvertes dans la zone archéologique de Pompéi.

Le citron de Sorrente est parfumé, sucré et acidulé, il a une écorce fine. Ce fruit se déguste cru saupoudré de sucre glace avec sa peau.




En cuisine, il est très utilisé pour assaisonner les plats typiques de la péninsule sorrentine, notamment les desserts tels le babà al limoncello, le delizia al limone et le sorbetto al limone. Le citron de Sorrente est aussi l’ingrédient de base du réputé limoncello, liqueur emblématique de la région, dont nous avons en permanence une bouteille congelée dans le frigo.

Il est enfin exceptionnel dans la préparation d’entrées savoureuses et originales, comme les pappardelle à la ricotta, au zeste de citron et persil ou les conchiglie à la tomate fraîche et au citron.

la vision romantique d'Astor du Paradis terrestre !






PS 2 : pour admirer les créations de Jacques Garcia, et visiter son château de Champ de Bataille :
https://www.lechateauduchampdebataille.com/index.html


voilà ce que l'on désigne sous le vocable : "le Grand style"




vous comprenez maintenant d'où vient ce buste !