Je vous emmène aujourd’hui dans les Corbières, dans
l’Aude, à Cucugnan, le village du légendaire Curé. À Cucugnan, dans l'Aude, la foi
n'est plus présente. Le curé raconte dans un sermon qu'il a rêvé qu'il allait
au Paradis puis au Purgatoire et n'y trouvait pas les habitants décédés de
Cucugnan ; il les a trouvés en Enfer ! Il fait alors le projet de confesser tout
le village et de redonner la foi à tous les habitants : c'est le thème de la célèbre lettre d'Alphonse Daudet, dont l'origine se trouve ici même, on dit même qu'il s'agissait de l'abbé Ruffié !
En 1930, peu enclin à exposer la Vierge de son église (sa Vierge est … enceinte !), il envoie la statuette à Carcassonne, à la Conservation départementale des Antiquités et Objets, « à cause de son attitude spéciale, en considération de laquelle il ne pouvait en faire étalage à ses paroissiens. »
vous voyez que ma petite histoire commence bien !
Elle est rapatriée en 1945, sous
la pression des paroissiens, suite à une violente tempête de grêle sur le
village. Ce retour est provisoire. En février 1958, la statue part à Lourdes pour prendre place dans une exposition sur les Vierges Pyrénéennes à
l’occasion du centenaire des apparitions. Revenue en l’église de Cucugnan, elle
est victime d’un vol en 1981, puis récupérée par hasard et par chance (pour moi il
s’agit d’un miracle), dans une consigne de la gare de Lille.
Depuis, la Vierge de
Cucugnan veille sur son village, dans l’église Saint-Julien-Sainte-Basilisse, couple
modèle pour l’Eglise catholique (car resté chaste, mais du coup sans descendance... contrairement à la Vierge, bref !). Elle est classée Monument Historique depuis le
25 février 1959.
De style néo-gothique, le chœur
et les chapelles de l'église accueillent également un ensemble de statues en
bois du XVIIe dont celle de Sainte Agathe, la patronne du village.
Je ne vous parle pas (à regret) de Sainte Agathe de Catane, qui aurait elle aussi voulu rester vierge, et subit le martyre d'être jetée dans un lupanar par ce salaud de Quintien proconsul de Sicile, mais fut finalement sauvée et vengée par une éruption de l'Etna... bref !
On voit de loin, depuis
précisément le château de Quéribus, le village de Cucugnan : le paysage sauvage des Corbières est parfait
pour abriter des écailles, je parle bien entendu de mes chers papillons) et j’ai soulevé autrefois bien des blocs de pierre à la
recherche de chenilles poilues de Cymbalophora pudica cachées dessous (1). Blotti entre les citadelles de Quéribus et de
Peyrepertuse, Cucugnan jaillit d’un mamelon cerné par un tapis de vigne. Il
respire la sérénité et invite à l’insouciance.
mes terrains de chasse en haut dans le rocher |
Tout en haut du village, un moulin à vent est bâti à même le
rocher en pente, au-dessus de trois anciennes aires de battage. Il témoigne
d'une polyculture où le blé tenait une place prépondérante, pour ce village
aujourd'hui cerné par les vignes. Il appartient au seigneur de Cucugnan jusqu'à
la Révolution. Il est en ruines en 1838, comme le montrent de
vieilles cartes postales éditées par Delcampe (dont on ne peut se passer, pour décrire le passé, comme
on ne peut se passer de Googlemap, pour illustrer le présent).
C’est là qu’intervient
notre Roland Feuillas.
Aujourd’hui, les journaux, la
Croix par exemple, le décrivent comme « un paysan boulanger. Il fabrique
et vend son pain à Cucugnan. Il y cultive également plus de 120 variétés de
blés et participe ainsi à la préservation de la biodiversité. Son approche est
sous tendue par la volonté de proposer un pain vivant ». Comme il souhaite
pouvoir transmettre son savoir aux apprentis boulangers, il a lancé une Ecole du pain.
Dans cette histoire de vocation,
l’ancien ingénieur-informaticien (ça lui sert toujours !) la boulangerie n’est qu’un
prétexte. L’excuse d’une vie. Je reprends le début de l’article d’Ysis Percq
dans la Croix du 16 mai de cette année : «Le Paysan boulanger à
Cucugnan Roland Feuillas a fait de son métier un état d’esprit.
La fabrication du pain gouverne sa façon d’agir au quotidien, de nourrir son
prochain, d’envisager l’existence comme un miracle de la nature. Perché au
sommet de ce petit village, rendu populaire par Alphonse Daudet dans Lettres de
mon moulin, Roland Feuillas ne fait pas que du pain. Derrière cette symbolique
nourricière, il s’intéresse à une chaîne complète, depuis le choix de la
semence de blé jusqu’à la digestion du pain par ses clients. Ainsi, dans son
fournil, les pains sont systématiquement remis dans leurs « langes » à la
sortie du four afin que les micro-organismes agissent en faveur d’une meilleure
digestibilité. Cet artisan en impose. Par sa corpulence, par sa voix ferme et
ses mots choisis sans détour".
C’est ainsi qu’en
2003, le moulin est réhabilité.
Remis en exploitation en 2006, les activités de fabrication de pain, biscuits, tartes boulangères reprennent.
Reste à boucler la boucle :
revenir à Paris : Ils sont plusieurs à rêver de réintroduire l’alimentation
saine à base de pain bio dans la capitale et aussi dans le monde : Alain
Coumont, restaurateur reconverti à la boulangerie ; Cédric Naudon … Feuillas
rêvait de cette vitrine parisienne depuis plusieurs années.
Fournil des Champs est installé
au sous-sol du 68 rue Pierre Charron, Paris 8è, et fait venir un peu d’Aude à
deux pas des Champs-Elysées. L’unité du Pain Quotidien installée ici
jusqu’alors a été transformée autour d’un nouveau concept en très peu de temps,
et propose des produits rustiques et aux fortes connotations de terroir. Cela
fait bien écho au pain qui est maintenant fabriqué ici : de belles pièces aux
parfums vifs de céréales fraichement moulues…
.. avec les meules d’un
vrai moulin à vent
... fournisseur de la
Vierge -enceinte- de Cucugnan
il faut bien qu'elle donne à son fils
son bio-pain quotidien !
son bio-pain quotidien !
achetez le bouquin !
de Cucugnan à Paris |
PS (1) vous voulez savoir à quoi ressemblent ces chenilles ? On les trouve cachées sous des pierres (qu'il faut lever puis remettre en place, comme quand on cherche des étrilles à marée basse), l'avantage est que cela se fait en hiver, quand il n'y a rien d'autre à faire. Elles sont lovées en boule :
et voici l'adulte :