En dévoilant son plan destiné à stopper (allons-y :
retarder) la VIè extinction, Nicolas me fait penser à l’accident de la gare de
Lyon :
L’accident ferroviaire de la gare
de Lyon s'est produit le 27 juin 1988 à 19 h 10 dans la gare de banlieue
souterraine de Paris-Lyon. Une collision frontale entre un train SNCF en
provenance de Melun via Corbeil-Essonnes, roulant à environ 70 km/h, et un train
à l'arrêt en partance pour Melun via Combs-la-Ville. Ce train est bondé, et est provisoirement à l’arrêt à cause
… du retard du contrôleur ! Qui n'a jamais vécu cela ? Le train roule inexorablement sur ses rails, et un concours de circonstances fait
que personne ne peut l’arrêter : le conducteur ne peut apparemment pas stopper le moteur ; les freins sont coincés suite à une fausse manoeuvre. L’alarme n’arrive pas aux aiguilleurs qui n’actionnent pas l’aiguillage donnant sur
l’une des deux voies libres. Et le choc frontal fait 56 morts et 57 blessés. C’est
le plus grave accident sur le réseau d'Île-de-France depuis la création de la
SNCF en 1938.
Nicolas a longuement réfléchi :
ou bien il démissionnait et sa mission avait échoué. Ou il persistait et tentait de freiner le train, (j’ai
bien peur qu’il soit impossible de le stopper).
On ne peut que louer sa détermination dans un univers inquiétant, où le
réchauffement climatique montre ses effets de jour en jour, par l’aggravation
des crues, des orages, des incendies, et autres phénomènes météorologiques. Les
espèces sauvages disparaissent à toute vitesse, comme disparaissent leurs
habitats, partout accaparés par une race humaine en expansion jusque-là
inimaginable.
On nous montre à la télé les
paysans égyptiens prochainement privés d’eau d’irrigation par l’édification du
barrage sur le Nil bleu, nommé par les Ethiopiens « le barrage de la
renaissance », mais qui va assécher les territoires du Sud, les privant de la culture ancestrale du riz, illustrant le
grand combat plantaire de l’eau qui menace d'être sanglant.
La sécheresse, les incendies, la
désertification des sols, nous guettent comme l’annonce de risques énormes, qui
concernent la biodiversité certes, mais plus largement une grande partie de l’humanité. Je vous ai déjà parlé d’anthropocénie,
et Nicolas déroule toutes les mesures propres à retarder le pire. Comme je l’aime
bien, ça vous l’avez compris, je vous livre son interview au Parisien du 4
juillet :
NicoIas Hulot : « L’objectif
est d’abord de sortir ce sujet de l’ombre. Il faut que les Français comprennent
que la situation est catastrophique. 40 % des espèces vivantes auront disparu
au milieu du siècle prochain si l’on ne fait rien. Pour inverser la tendance,
il faut un front mondial et je veux que nous soyons en situation de leadership
sur ces questions. Marseille accueillera en 2020 le Congrès mondial de la
nature. Pour être écouté, il faut être exemplaire.
Que contient ce plan ?
« Il consiste d’abord à
protéger les écosystèmes. Nous allons par exemple créer ou étendre vingt
réserves nationales d’ici à la fin du quinquennat. Dès l’an prochain, nous
inaugurerons un parc national des forêts, le premier de ce type, aux limites de
la Champagne et de la Bourgogne. Autre point capital, nous allons fixer
l’objectif de zéro artificialisation net des sols.
Comment comptez-vous vous y prendre ?
« Les sols doivent être
considérés comme une ressource finie, dont la gestion doit être sobre et
durable. L’objectif est au minimum de compenser les surfaces artificialisées en
désartificialisant des surfaces équivalentes. Nous sommes allés tellement loin dans
l’étalement urbain, avec la création de vastes zones commerciales en
périphérie, que les centre-villes se sont vidés. C’est d’ailleurs le sens du
travail mené par le gouvernement en matière d’aménagement des centre-villes.
Nous sommes pleinement engagés à aider les élus à limiter la consommation
d’espaces. L’apogée des grandes surfaces démesurées est derrière nous.
Pourtant, l’Etat a fait appel de l’annulation d’EuropaCity, gigantesque
zone d’activités en projet près de Roissy ?
« Le projet doit évoluer.
Par ailleurs, si vous me demandez mon avis, je crois que dans la distribution
nous allons revenir à l’adage « small is beautiful »
« Dès 2002, la loi SRU
prévoyait de limiter l’étalement urbain. Ce n’est pourtant pas ce qui s’est
passé. En quoi votre plan peut changer quelque chose ?
« Il faut repenser notre
action dans la lutte contre l’étalement urbain et définir une stratégie
nationale pour atteindre l’objectif du zéro artificialisation nette et la
décliner au niveau local. Des outils existent déjà aujourd’hui, nous devons
pleinement les faire appliquer, d’autres seront peut-être nécessaires. Cela
passe par un engagement des collectivités locales de favoriser la
densification lorsque cela est possible pour éviter la consommation de nouveaux
espaces. A terme, les entreprises devront aussi évaluer leur impact sur la
biodiversité, comme elles le font déjà pour leur impact climatique. L’Etat va
faire son travail, donner des outils aux collectivités, aux acteurs économiques,
mais il faut aussi que chacun s’engage.
S’il fallait choisir une mesure dans votre plan, laquelle mettriez-vous
en avant ?
« Nous prévoyons un axe fort
sur la fin des plastiques non biodégradables, avec un objectif de zéro
plastique rejeté dans les océans en 2025. C’est extrêmement ambitieux. La
plupart de ces déchets viennent de terre. Une dizaine d’objets de la vie de
tous les jours représentent près de 70 % des plastiques que l’on retrouve en
mer. C’est pourquoi nous soutenons l’interdiction, dans la loi issue des Etats
généraux de l’alimentation, des pailles et des mélangeurs. D’autres produits,
notamment ceux à usages uniques, suivront. Une enseigne, Franprix, a pris les
devants en annonçant que les produits plastiques à usage unique auront disparu
de ses rayons d’ici janvier.
Quels moyens financiers allez-vous mettre ?
« La biodiversité n’est pas
d’abord une question de budget, mais vous verrez qu’ils seront significatifs.
Grâce à l’augmentation de la redevance pour pollution diffuse (NDLR : c’est la
pollution de l’eau par les pesticides), dont s’acquittent les distributeurs de
produits phytosanitaires, 50 millions d’euros seront par exemple alloués au
soutien à l’agriculture biologique. De nouvelles aides seront allouées aux
agriculteurs qui auront des pratiques vertueuses, comme la plantation de haies
dans des champs de céréales. On considère souvent qu’ils font partie du
problème. Moi, je pars du principe qu’ils font partie de la solution. A
condition qu’on les y aide.
Pourquoi ne pas avoir inscrit l’interdiction du glyphosate dans la loi
pour 2021 ?
« Je rappelle d’abord
qu’initialement la Commission Européenne défendait une autorisation pour 10
ans. L’action de la France a permis de réduire cette durée à 5 ans. Dans 80 %
des cas, il y a des solutions pour se passer de cet herbicide. Dans quelques
jours, nous aurons la liste des filières qui peuvent sortir dans un ou deux
ans, et une banque de solution pour mettre en œuvre cet engagement. Pour le
reste, nous mobilisons la recherche. Cela dit, d’ici un an, si l’agriculture
française n’est pas dans la trajectoire de sortie du glyphosate, le Parlement
pourra se saisir du sujet. Notre méthode, c’est de laisser le temps de la
confiance, de faire en sorte que ça marche. Nous avons mis la pression. Et ça
marche. Quand je dis en 2040, on arrête les véhicules émettant des gaz à effet
de serre, dans la foulée, des constructeurs comme PSA annoncent que dès 2020,
ils proposeront une version électrique de tous leurs modèles. Quand je dis que
je vais réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 % à
50 %, deux gros opérateurs, Total et EDF, annoncent qu’ils vont produire 10 GW
de solaire pour l’un, 30 GW pour l’autre. Et ça n’était jamais arrivé.
Sur l’échéance prévue en 2025 par le précédent gouvernement pour
réduire à 50 % la part du nucléaire, vous avez reculé…
« Parce que cela nécessitait
de fermer 17 à 25 réacteurs d’ici à 2025 et qu’il n’y a pas une personne
honnête qui dirait que c’est tenable. Je fais des choses sincères et faisables.
Le temps qu’on a pris cette année pour remettre tout à plat va nous permettre
d’aller beaucoup plus vite. J’ai notamment levé la plupart des verrous qui
freinaient le développement des énergies renouvelables. Nous allons vers 10 ans
de développement massif du solaire, de l’éolien. Voilà des choses concrètes qui
vont permettre de réduire la part du nucléaire.
Vous dîtes que l’Etat va faire son boulot. Mais quand vous autorisez
l’ouverture d’une raffinerie comme celle de La Mède à faire du biocarburant à
partir d’huile de palme importé, trouvez-vous qu’il fait bien son travail ?
« Il s’agissait simplement
de respecter l’engagement du gouvernement précédent vis-à-vis de Total. Il y
avait des emplois à la clé. J’ai tout de même réussi à faire passer le tonnage
d’importation d’huile de palme de 650 à 350. Mais ce qui m’importe, c’est la suite.
La semaine dernière, avec le soutien actif de la France, nous avons pris
l’engagement de plafonner, puis de réduire l’utilisation d’huile de palme et de
toutes les matières premières qui peuvent conduire à la déforestation dans les
biocarburants en 2030. C’est un changement de paradigme majeur, puisqu’il n’y
aura alors plus aucune incitation à déforester pour produire des cultures
destinées à être transformées en carburant. Cette évolution est cent fois plus
efficace que les manifestations qui ont eu lieu contre La Mède.
On vous a senti mal à l’aise dans une majorité qui a semblé vouloir
privilégier l’économie au détriment de l’environnement. Aujourd’hui, vous
paraissez au contraire dans une phase plus positive, avec davantage
d’arbitrages présidentiels en votre faveur, par exemple l’inscription de la
défense de l’environnement dans la constitution…
« Je continue à faire mon
boulot au quotidien et je ne prête plus attention à ces remarques. A certains
moments, les dossiers avancent plus vite qu’à d’autres, c’est le lot de tous
les ministres. C’est vrai qu’il faut parfois se battre et que je suis exigeant
sur tous les sujets touchant à la santé ou l’avenir de l’humanité.
Vous aviez dit que vous feriez le bilan à l’été et décideriez de votre
maintien ou non au gouvernement. Nous y sommes…
« Pour moi
l’été, c’est quand on part en vacances.
Quand partez-vous en vacances ?
"Sans doute pas
avant 5 ans".
J’aime bien Nicolas
Hulot, une analyse lucide, un engagement opiniâtre dans la durée, des mesures simples
et concrètes
Bon courage,
Nicolas !
PS : les mesures concernant le développement de réserves de biosphère, qui conserveraient le maximum des êtres vivants restant protégés de l'homme, me font penser à la notion de "jardins planétaires", tels que nous les imaginions avec Hervé Bichat dans les années 2000 : identifiés grâce aux techniques satellitaires, nous isolions des biotopes encore préservés, pour tenter de les faire perdurer. Ainsi étaient conservés de petits ou grands paradis terrestres où l'homme ne jouait qu'un rôle de protection et non de gestion. Ailleurs, l'humanité poursuivait sa colonisation des terres banales, sacrifiées à l'intensification.
Paradoxe : l'agriculture peut revêtir des formes ingénieuses dans des milieux artificialisés comme aux Pays-Bas, où des serres immenses abritent des tomates vivant sur un substrat de tourbe, optimisant l'eau grâce au goutte à goutte, refusant la chimie, les parasites étant détruits biologiquement par une faune d'insectes d'élevage adaptés, empêchés de s'échapper dans cet univers clos au climat régulé.
pour protéger les plantes il faut les reconnaître :
il suffit de les photographier avec son iphone :