Le palace parisien flambant neuf a
réouvert. Jean-Michel Wilmotte a mené tambour battant quatre années de travaux
pour mettre aux normes ce mythique hôtel.
Comment doit-on rénover un
palace? Voilà une question qui divise toujours autant l'opinion. Faut-il faire
un pastiche en lui insufflant un goût contemporain ou opter pour un parti
totalement nouveau? Difficile de séduire à la fois les nostalgiques de la Rive
Gauche et ceux qui veulent vivre pleinement dans l'architecture du futur.
À 70 ans, Jean-Michel Wilmotte
est de cette génération qui compose avec les deux. Sa formation à l'école
Camondo lui a donné l'amour des belles choses. Sa vie de globe-trotteur a
ouvert son œil sur les savoir-faire les plus en pointe. Et la multiplication
des commandes aussi diverses que la Halle Freyssinet ou le Centre spirituel
orthodoxe russe lui a appris à se renouveler sans cesse. Même si l'on reconnaît
la patte Wilmotte par son sens du détail et sa finition parfaite. Si certains
disent que «sa marque de fabrique, trop souvent répétitive, finit par lasser»,
d'autres voient en Wilmotte «un travail bien fait, élégant, sobre, jamais
clinquant, toujours dans les règles de l'art». Au Lutetia, il a
particulièrement soigné les motifs. L'écaille est déclinée sur les sols ou les
portes comme la cannelure ou le losange, élément qui n'existait pas à l'époque.
Les luminaires contemporains, avec une touche d'Art déco, ont été fabriqués
pour la plupart à Murano.
En rénovant ce fleuron du style
Art Nouveau et Art Déco en plein Saint-Germain-des-Prés, Wilmotte allait
forcément susciter la critique. «Le
bâtiment était très vétuste et il a subi des restaurations cache-misère, explique
l'architecte. Il a donc fallu repenser
entièrement l'acoustique, l'électricité, la climatisation, les ascenseurs
vitrés, en les adaptant aux normes et aux exigences de luxe d'un palace».
Inutile de dire que son propriétaire, le groupe israélien Alrov, a mis le
paquet. Il a voulu faire de ce quatre-étoiles, classé monument historique, le
premier palace de la rive gauche en usant de toutes les nouvelles technologies
de luxe et de confort.
les deux lampes Le Verrier à droite |
Jusque-là, l'hôtel avait traversé
tant bien que mal les années. C'est Mme Boucicaut, propriétaire du Bon Marché,
qui avait fait construire cet hôtel en 1910 afin que ses importants clients
fussent logés dans un établissement tout proche. Dès 1940, l'état-major
allemand y avait établi son quartier général et, à la Libération, il devint un
lieu d'accueil pour les déportés de retour des camps de concentration nazis.
Sous l'ère Taittinger, de 1955 à 2005, puis de Starwood Capital Group, il y eut
quelques travaux mais pas assez. «Ils se
sont plus attaqués à des effets de mode qu'à un bon basique technique» note
Christian Oudart de l'équipe Wilmotte. Il a donc fallu tout mettre à plat. La
structure a été dénudée et reprise en sous-sol sans apporter de nouvelles
charges, puis habillée de béton pour parer les incendies. Mais l'hôtel a été
entièrement désossé, le sous-sol creusé pour y faire un spa de 700 m2
et certaines parties enlevées.
Pour Wilmotte, les objectifs
étaient clairs. Redonner avant tout de la lumière dans ce Lutetia plongé jadis
dans une mystérieuse pénombre. Dans les salons, l'atmosphère était un peu
glauque. En cela, c'est une réussite. Le Lutetia d'avant n'a plus rien à voir.
Il s'ouvre sur Paris, à tous les étages, jusque dans les chambres. Leur nombre a été réduit de 234 à 184 pour les doter de grandes salles de bains
en marbre massif. Et la cour intérieure qui n'existait
pas (à la place du salon Récamier) est un vrai plus, avec son écrin de carreaux
blancs (ceux en pointe ont été refaits à l'ancienne pour se fondre avec ceux
existants) et ses mosaïques Art Déco enfin visibles.
Sur le fronton trône un navire
qui figure dans les armoiries de la ville de Paris. Le motif a été repris dans
le spa. Affublée d'une verrière, l'Orangerie est elle aussi envahie de lumière
naturelle. Cela contraste avec le petit salon de lecture aux boiseries sombres
dont les rayonnages seront bientôt remplis de livres de Gallimard. Aux étages,
les couloirs sont eux aussi en eucalyptus teinté donnant un effet paquebot Art
Déco que viennent égayer des photos lumineuses. On aurait pu s'en passer...
Wilmotte avait aussi dans la tête
de ressusciter les beaux décors d'antan comme ceux en stucs et en ferronnerie
ou les fresques du rez-de-Chaussée, dans l'ancien salon du petit-déjeuner
devenu le bar, beaucoup plus agréable et vivant, car il donne sur la ville. Il
a fallu 17.000 heures de travail pour que les restaurateurs de l'atelier de
Ricou dégagent la laine de verre et les couches successives de peintures qui
recouvraient l'ensemble du plafond depuis 1940. «Nous avons opté pour un minimum de restauration à part la structure en
treillis», explique Stéphanie de Ricou, en sortant de son étui en carton le
rouleau de photo de la fresque à l'origine. Dans de délicates couleurs pastel,
le décor relate des scènes de campagne, donnant un côté très rafraîchissant à
la pièce.
Wilmotte souhaitait aussi
apporter de la lumière dans le grand salon, tout en lui donnant une touche
contemporaine. C'est lui qui est venu chercher l'artiste français Fabrice
Hybert qui a aussi réalisé le plafond du restaurant Guy Savoy à la Monnaie de
Paris. Cette nouvelle verrière est comme une sorte de grande flaque d'eau
colorée (verre fondu sur du verre avant d'être cuit par plaques) qui projette
ses couleurs sur les murs. Qui sont les drôles de bonshommes qui courent dans
tous les sens ?
«Ce sont des autoportraits à
différents moments de ma vie, de l'extraterrestre, au bibendum, en passant par
le pantin, l'ours vert ou le père Noël, explique le plasticien défendu par
la galerie Obadia qui a reçu un Lion d'or à la biennale de Venise en 1997. J'ai imaginé que les gens venant ici
seraient des voyageurs de l'espace. D'où ce cosmonaute qui est un homme
cellulaire, côtoyant des extraterrestres et pouvant ensuite se transformer en
poulpe».
c'était avant : que sont-elles devenues ? |
Naturellement je regrette les
statues « Clarté » de Leverrier, si particulières. Par contre, les vitraux de Barillet ont été conservés, ils étaient classés.
Je m’aperçois en cela que je suis un homme du passé. Quand
je séjourne à Paris, je vais avenue du Maine :
Il y a la chambre du 7è d’où l’on voit la tour Eiffel.
Je crains bien de ne jamais coucher au Lutétia ?
le Figaro a comme une touche de nostalgie aussi ? |
Indispensable quand on séjourne à Paris
(avec le réchauffement climatique) :
la piscine