Longtemps que je ne vous avais pas emmené à Barcelone ! La capitale referme en son coeur, caché entre les bâtiments del Raval et de l'avenida del Parallel, un joli monastère roman, comme je vous en ai déjà présenté ici ou là notamment Valcabrère. Les ornementations sont nombreuses, et s'ajoutent à toutes celles qui précèdent, en complétant une iconographie déjà riche.
Il aurait été fondé en 911 si l’on
se réfère à la date qui figure sur la tombe de Wilfred II, fils de Wilfred le
Velu. Le «velu», ces anciens Rois ont toujours des épithètes
folkloriques ! La documentation fait défaut, à cause sans doute de l'attaque en 985 par Al-Mansor de la ville de Barcelone. Le monastère a été réanimé comme prieuré
associé à Sant Cugat grâce à l'appui de Guibert Guitard et sa femme Rodlendis,
la lignée de Bell-lieu, qui le reconstruit à la fin du XIè siècle. La longue vie du monastère a toujours
été liée à d'autres sites qui dépendaient de l'abbaye de Montserrat en 1508,
encore une fois en 1593 à Sant Cugat, et même Portella Berguedà autour du 1617.
A l'époque, le monastère était situé dans la campagne, d'où la précision : "del camp".
La façade principale présente des motifs décoratifs très typés. La porte est flanquée de deux colonnes coiffées de chapiteaux composés de sujets
végétaux datant de la période wisigothique. Sur le tympan apparaît le Christ en
majesté dans une attitude de bénédiction, accompagné de Saint Paul à droite et
de Saint Pierre à gauche. Voici les inscriptions des noms de Pierre et Paul, autour d'un texte traduit comme suit: "Cette porte est la voie du Seigneur pour tous, le portail du
jardin de la vie. Renard, pour lui et pour l'âme de sa femme Ramona, a fait don
de 7 morabatines pour faire cette église. " (1)
la maquette |
Paul à droite, Pierre à gauche au-dessus la main de Dieu pointée vers l'Orient et les symboles de deux des évangélistes, St Matthieu (l'ange), et St-Jean (l'aigle) |
Selon le calendrier liturgique,
la fête de saint Pierre et saint Paul est une solennité, c’est-à-dire une
célébration liturgique de grande importance. Ce jour est même férié à Malte...
Pourtant, d’autres solennités consacrés à de grands saints (la plupart étant
dédiées au Christ ou à la Vierge Marie), leur laissent toute la place pour une
journée. C'est le cas de saint Joseph, célébré le 19 mars, ou encore de la
nativité de saint Jean-Baptiste, le 24 juin. Pourquoi dès lors, ces deux saints
majeurs sont-ils fêtés le même jour ?
Revenons à l'histoire.
Simon, que le Christ appellera Pierre, était un pêcheur – autant qu’un pécheur,
serait-on tenté de préciser – galiléen, qui vivait à Capharnaüm, au bord du Lac
de Tibériade. Un provincial, identifié comme tel grâce à son accent par
plusieurs personnes au soir de l'arrestation de Jésus. Saul, avant d'être connu
sous le nom de Paul, était, lui, un juif pharisien, lettré, citoyen romain de
la ville de Tarse, en Asie mineure.
Leur point commun ? Le complet
bouleversement produit par le Christ dans leur vie, qu'illustre dans les deux
cas leur changement de nom. « Et il leur dit : "Venez à ma suite, et je
vous ferai pêcheurs d’hommes." Eux, aussitôt laissant les filets, le
suivirent, précise l’évangile selon saint Matthieu au sujet des premiers
apôtres, dont Pierre, qui laissent tout pour suivre Jésus. Quant à Paul, il est
aveuglé sur la route de Damas et tombe à terre en entendant une voix qui lui
disait : "Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ?" », rapporte le
livre des Actes des Apôtres. Pierre est la pierre sur laquelle le Christ bâtit
son Église. Paul, le prédicateur qui voyagera sur tout le bassin méditerranéen
pour apporter l’Évangile aux païens. Tous deux mourront en martyrs, Pierre
crucifié la tête en bas, et Paul, décapité. Selon la tradition, le premier est inhumé
au Vatican, près de la voie Triomphale, en 64 et le second enseveli sur la voie
d’Ostie, en 67.
Pierre a donc été au fondement de
l’Église, tandis que Paul a consacré sa vie à la diffusion de l’Évangile. Deux
destins pour une finalité commune, comme le souligne saint Augustin dans un
sermon prononcé lors de la célébration de cette fête : « En un seul jour, nous
fêtons la passion des deux apôtres, mais ces deux ne font qu’un. Pierre a
précédé, Paul a suivi. Aimons donc leur foi, leur existence, leurs travaux,
leurs souffrances ! Aimons les objets de leur confession et de leur prédication
! » C’est donc bien en raison de l’importance et de la complémentarité de leur
mission que ces deux piliers de l’Église sont célébrés ensemble....
(1) on parle de morabatine d'oro, une unité de monnaie
https://www.persee.fr/doc/casa_0076-230x_1968_num_4_1_975