"Sur les chemins noirs"
Une amie me prête son bouquin, m’accordant
six mois pour le lire. Je ne mettrai que quatre jours, pour lui rendre vendredi prochain. Sorti chez Gallimard, il fait sérieux, il n’y a pas de
photos, bien plus académique que : "Aventures de
papillons" !
Je découvre l’écrivain-géographe, le voyageur, qui
emprunte à pied les chemins noirs
pour traverser la France de la Provence aux falaises de la Manche, comme un pèlerin de Compostelle
qui se serait égaré, mais chercherait comme lui la guérison du corps et de l'esprit par la marche dans les sentiers oubliés.
Je vous laisse consulter
wikipédia, qui sait tout sur tout. Sylvain Tesson est un grand voyageur de l’impossible,
a parcouru le Tibet et la Sibérie à pied, à vélo et à cheval, et en a tiré un
humour dépourvu d’illusions sur l’humanité, préférant le propriétaire d’un
domaine agricole qui gère de A à Z son petit Univers, au Président de la République
contraint à "se faufiler dans le labyrinthe des empêchements". Il peut en parler savamment :
il est géographe, donc introduit dans la classe de ceux qui savent, nomment,
identifient, trient, mettent les concepts dans des cases, savent décrire la révolution numérique, en relativisant le Progrès qu'elle apporte, comparé aux productions humaines traditionnelles qu'elle ne peut remplacer, comme le travail du vigneron.
J'adore les phrases qui suivent :
Il faut dire que Tesson au départ de sa pérégrination Sud-Nord est passé par le harmas de Fabre, et a rendu hommage au grand naturaliste, qui avait consacré sa vie à l'observation minutieuse de la nature, décrivant l'immensité de l'infiniment petit. "Un insecte est une clef, digne de la plus noble joaillerie, pour ouvrir les mystères du vivant".... Alors les Chefs d'Etat qui voudraient régir la planète ne lui font aucune, mais aucune impression, quand il écrit : -"ils erraient en leurs palais, persuadés que leurs moulinets de bras redessineraient l'architecture des sociétés hypertrophiées aux commandes desquelles ils étaient arrivés par la grâce des calculs, et se maintenaient par la vertu des renoncements".
Géographe, il s'amuse de l'hyper-ruralité décrite dans les cartes, illustrant les espaces dans lesquels il devient difficile de vivre alors qu'ils représentent le quart du territoire, et seulement 5% de la population : elle est privée du haut débit, vit hors de la mondialisation, et ignore superbement le progrès tel que nous le ressassent les médias chantres du modèle de société mondiale de consommation.
ce que ça donne chez nous :
Sud de la Haute-Garonne ; Hautes-Pyrénées voisines ; Ariège de l'autre côté : nous sommes en plein dedans |
« L’hyper-ruralité, c’est la
ruralité de l’éloignement, résume le sénateur, qui est l’initiateur de ce
concept mis au point à l’aide de géographes (lire ci-dessous). L’éloignement des
individus, l’éloignement des services du quotidien et l’éloignement des métropoles, des agglomérations, des pôles urbains ou des bassins
d’emplois et de tout centre de décisions. »
où l'hyper-administration de territoires morcelés ajoute à la complexité et muselle toute initiative opérationnelle |
Je reviens d'une tournée de la petite commune de Soueich. Qui d'entre-vous en a entendu parler ? Son nom vient du latin suillum, désignant la soue, où on loge le porc, à moins que ce soit la bauge du sanglier ! Dominée par le Cagire, elle est restée telle qu'elle-même : des monts jusqu'à 700m, et la vallée du Ger, entrecoupée de moulins oubliés. et de la pisciculture. Des enclos humides où vit toujours le cuivré rarissime Dispar, tiens, on observe en ce moment même la troisième génération ! Un scoop ! Nous ça nous fait chaud au coeur qu'il existe encore. Des panoramas sublimes depuis le promontoire de Daüsse. Des élevages de vaches gasconnes grises et de veaux sous la mère. Avec son quatre x quatre puissant, à grands coups de reins décalés dans les ornières, René escalade les côtes pentues de ses chemins noirs....pour me montrer le paysage dominé par les 2000m du Cagire :
Nous vivons en milieu rural...
à la sortie du village, un panneau indiquait :