Musée Jean-Jaurès |
A l’orée du siècle, les relations
de la France avec le Saint-Siège s’enveniment du fait de la politique
anticléricale menée par Emile Combes et de l’intransigeance du nouveau pape Pie
X. Le 29 juillet 1904, le gouvernement décide de rompre les relations
diplomatiques avec le Vatican. Dès lors, la voie est ouverte à la séparation de
l’Eglise et de l’Etat.
Il s’agit en fait d’une
revendication ancienne (et essentielle) des républicains dont
l’anticléricalisme s’apparentait à une "
foi laïque ", rationaliste et positiviste, en partie issue des
Lumières. On voit l'inspirateur, il est au Ciel : c'est Voltaire ! Le progrès, la science, l’éducation doivent faire reculer
l’ignorance, l’obscurantisme et la superstition. Le pouvoir civil doit donc soumettre le pouvoir religieux et l’exclure de la vie politique et de la
société.
L’évocation de la loi de Séparation
des Églises et de l’État entraîne souvent la mise au singulier du mot Églises.
Inexacte quant au droit, l’erreur est juste sur le fond : la loi achève un
processus qui, depuis l’arrivée des Républicains au pouvoir (1879), vise à
réduire le poids de l’Église catholique dans la société. Protestants et juifs
acceptent sans heurt d’être détachés de l’État, malgré une certaine crainte de
perdre la protection due au statut de culte reconnu. Mais pour les catholiques,
la Séparation est un drame : la fin d’une alliance de 1400 ans entre la France
et l’Église (baptême de Clovis, 496) ; le retour à la déchristianisation
révolutionnaire.
Nos amis musulmans ne sont pas cités, pas présents.
Pourtant, la Séparation est en
germe dès 1801 quand, préservant la liberté de conscience proclamée en 1789, le
Concordat déclare le catholicisme seulement
“ religion de la grande majorité des Français ”. La coexistence des
croyances, la libre expression de l’anticléricalisme et de l’athéisme, la
laïcisation de la vie et de l’enseignement publics y préparent les esprits.
Pour libérer l'Église, quelques catholiques la souhaitent : dès la
Restauration, l’abbé Félicité de Lamennais ; sous la Monarchie de Juillet, Mgr
Affre, archevêque de Paris. À l’inverse, des anticléricaux, comme Léon
Gambetta, la redoutent par peur de perdre le contrôle d’une Église encore
puissante. Mais l’opposition intellectuelle entre l’Église et la “ modernité ”
(Syllabus, 1865) et l'alliance d’une frange importante du catholicisme français
avec la monarchie l’imposent aux Républicains, même si Léon XIII invite les
fidèles à dissocier intérêts de l'Église et forme du gouvernement (encyclique
Au milieu des sollicitudes, 1892).