Tous les ans c’est la fête à
Gaudens, le premier lundi de la première semaine de septembre. C’est donc
aujourd’hui lundi 8 septembre. Evènement particulier, on inaugure les vitraux
dont je vous ai déjà parlé. Et un nouvel autel de marbre. Messe particulière à
plusieurs titres : on fête notre Saint, Gaudens.
j'ai trouvé cette mosaïque particulièrement réaliste au Bardo de Tunis |
le plâtre de Galmiche |
j'ai retrouvé également à Tunis la mosaïque des taureaux dormants, nous on les appelle des boeufs |
Une légende singulière puisque
la première version date le martyre en l’année 475, (cela fait 1539 ans en
arrière… !). Un peu plus documenté qu’il y a deux ans, je réalise que le
bourreau (aujourd’hui on ajoute : « présumé ») est un Chef Wisigoth
nommé Malet (envoyé par Euric roi de Toulouse et réputé comme persécuteur de
Chrétiens), participant aux destructions de toutes les villas romaines voisines
que je ne cesse de vous décrire. Mais attention le Wisigoth en question est
chrétien lui aussi, et pourtant il décapite Gaudens (jeune gardien de vache de
13 ans), chrétien, sous les yeux de sa mère Quitterie ! Alors pourquoi tant de haine me direz-vous ?
Le Wisigoth est Arien, de l’inventeur
de l’arianisme Arius : le
différend porte sur la nature de Jésus Christ : est-il Dieu ? Est-il
humain porteur de la parole de Dieu ? Est-il humain inspiré par Dieu ?
Les différences sont de taille, et tranchées par le Concile de Nicée en 325, en
Turquie. Pas si étonnant que 150 ans plus tard certains Wisigoths (dont les
nôtres) ignorent l’arbitrage : «
Nous croyons en un seul Dieu, Père tout-puissant, Créateur de toutes choses
visibles et invisibles. Et en un seul Seigneur Jésus-Christ, Fils unique de
Dieu, engendré du Père, c'est-à-dire, de la substance du Père. Dieu de Dieu,
lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu ; engendré et non fait,
consubstantiel au Père ; par qui toutes choses ont été faites au ciel et en la
terre. Qui, pour nous autres hommes et pour notre salut, est descendu des
cieux, s'est incarné et s'est fait homme ; a souffert et est mort crucifié sur
une croix, est ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux, et viendra
juger les vivants et les morts. Et au Saint-Esprit. » Je vous le mets en
entier, puisque c’est la version que nous appliquons aujourd’hui, comme le
faisait Gaudens, mais pas les Wisigoths.
bénédiction des vitraux |
Pour tout dire, les chrétiens-version-ariens
n’étaient pas tout à fait civilisés, même un peu beaucoup barbares ! Une
version plus commode place le martyre de Gaudens dans les années 700, et donne le
rôle de bourreaux à des Sarrasins (intégristes musulmans). Le bourreau n’a pas
une épée mais un cimeterre, et c’est normal qu’il décapite un otage puisqu’il
est en quelque sorte un précurseur des djihadistes d’aujourd’hui. Ca nous
arrange quelque part, nous chrétiens qui n’apprécions pas que des chrétiens
aient pu être de vrais barbares. Pourtant au fil de l’Histoire, Dieu sait s'ils l'ont été… !
Il est en tous cas légitime que
Saint-Gaudens, devenu Saint par la décision de Clément V en 1309, ait un hymne,
et nous le chantons à la fin de la messe. On retrouve dans le texte l'utilisation de : "sois la sainte lumière...", qui éclaire (si je puis dire) d'un jour nouveau la "lumière éternelle" souhaitée à Nymfius par Séréna dans mon billet précédent. On comprend que depuis 1525 ans, son culte soit soutenu par des
reliques, en voici un tout petit-petit morceau. Et que des chapelles aient été
édifiées sur les lieux du martyre, notamment la fontaine du bourreau dont je
vous ai déjà parlé.
Voilà qui est intéressant :
l’histoire se répète. Prenez juste après la Révolution française, oui la nôtre
par exemple. On n’aime pas du tout les curés dans les années 1790 (on a créé l’Etre
suprême, et on a nommé la Ville « Mont-Unité » !). Le 9 octobre
1794, en exécution de l’arrêté Malarmé, deux commissaires viennent saccager la
chapelle avant de la mettre aux enchères : « tout ce qui a trait au fanatisme et à la superstition doit totalement disparaitre
du sol des hommes libres ». La chapelle est vendue aux enchères à
Guillaume Puyssegur pour 300 livres, qui s’oblige entièrement à démolir dans le
délai d’une décade ladite chapelle, inclus les objets du culte, dont les
reliques (sauf celles préservées soigneusement pour les générations futures, et
dûment cachées dans l’église de Mondavezan).
Hélène Soum sur le nouvel autel (quelle belle nappe brodée...!) |
La chapelle est reconstruite en
1827 par souscription des habitants de la Ville. Je vous parlerai un jour de l’abbaye
de Bonnefon. Un certain nombre d’objets sont déménagés et arrivent à la Caoue.
Nous sommes en 1850. Le père Marie-Antoine
(Léon Clergue dans le civil) est né à Lavaur le 23 décembre 1825. (il décèdera
en 1897). Il est nommé vicaire à Saint-Gaudens, où il entend l’appel de
Saint-François (le même que le pape François). Il rencontrera Bernadette
Soubirous en 1858 quand elle reçoit les messages de la Vierge. Il bénéficie d’une
aura immense : il provoque à la Pentecôte 1854 une souscription, en lisant
le message suivant : « Nous avons
un pauvre dans la paroisse. Ce pauvre ne demeure pas à la ville, il habite à la
campagne. Il a un grand nombre d’amis, mais ceux-ci n’osent plus aller le visiter,
tant sa maison menace ruine. Quand ils entrent dans sa demeure, ils ont peur
que le plafond n’écrase leur tête, tandis que l’eau vient naître et courir sous leurs pieds ». Tout le monde a compris, il s’agit de sauver
Saint-Gaudens ! Les dons affluent, les artisans se présentent pour faire
le chantier, et le 9 avril 1855, l’inauguration rassemble 4000 personnes !
En hommage, la route de la Caoue porte son nom : rue Marie-Antoine.
Plus tard, l’évêque Alexandre Compans
se fera le mécène de l’église, et la fera reconstruire sous sa forme actuelle,
en faisant appel à Bernard Castex, auteur du casino de Luchon. Son
plan est accepté le 7 avril 1891. L’inauguration a lieu le 25 juin 1893, les
vitraux réalisés par les ateliers Henri Ls.Vr.Gesta Fils, qui feront le 9 juin
1928 des réparations pour une somme de 900 Francs. Je sais tout cela grâce au
mémoire de Fini Laura, qui m’a passé son document, avec copie de la facture, merci à elle et à Linkedln
grâce à qui j’ai pu obtenir son email !
Voilà les vitraux une fois encore
réparés et reposés par Maryline Delois, qui me présente les tas d’amis qui lui ont
permis de réaliser l’exploit. Il faut des artisans d’art
pour réaliser de belles choses, ouf, il en reste quelques uns, il faut tout
faire pour leur donner du travail !
Maryline Delois et Isabelle Gomis peintre en décors, (cette exceptionnelle photo de personnes ayant pour but de leur faire un peu de publicité) |
Le futur, désormais, est clair :
ce matin le Maire a annoncé l’étanchéité de la couverture, pour stopper les
infiltrations (on les voit bien sur les photos), risquant de compromettre la
solidité du plafond. Applaudissements des fidèles, je dois vous dire que la
messe avait été clôturée juste avant sa déclaration, pour lui permettre cette
annonce profane qui précédait l’apéritif (profane lui aussi) offert par la
Ville.
Le message est clair :
quelles que soient les difficultés, l’homme quand il est résolu peut
reconstruire ce qui a été détruit.
Il peut le faire, il
doit le faire,
ici cela fait plus de
mille ans qu’on le fait en mémoire d’un jeune berger
Voilà notre responsabilité d’hommes :
Sans relâche, défendre notre humanité,
défendre la liberté.
la relique de St Gaudens |
PS : la dernière fois en 2012 :