Saïd pinxit
C’était il y a plusieurs mois
déjà, je passe devant mon carrossier, rideaux baissés, il est fermé.
Renseignements pris, le motif est grave : il est mort, à près de 90 ans,
il souffrait tellement des pieds qu’il marchait en chaussons. Il n’avait jamais
pu se résoudre à prendre sa retraite, sa vie, c’était son entreprise ! Je
suis triste, je l’aimais bien, et il m’avait dépanné, me peignant trois
voitures. Je trouve le téléphone privé du fils qui travaillait dans l’entreprise,
et que je croyais le successeur : non seulement, fâché avec son frère, il
ne reprend pas la suite, mais il a licencié tout le personnel, dont Saïd, le
peintre. Je l’appelais docteur, car
il régnait tel un chirurgien dans son laboratoire. Il savait apprêter les
pièces en laiton avant de les peindre, domaine où j’ai de graves lacunes,
ignorant où trouver les produits adéquats. Où habite Saïd, quel est son nom ?
son téléphone ? Le fils n’en a aucune idée ! Drôle de solidarité dans
l’entreprise ! Elle est fermée pour de bon ! Comment faire ?
Je demande à l’un ; je
demande à l’autre : sur un sujet pareil, je ne me fais pas confiance, et souhaite
faire appel aux professionnels : je ne les intéresse pas le moins du
monde, ils n’ont pas le temps, ayant du (sans embaucher) faire face aux clients
du défunt ! J’apprends que Saïd habite Labarthe Inard ! Je me rends
au secrétariat de Mairie : bingo ! il s’est marié l’année dernière,
et figure sur les listes électorales ! J’obtiens son adresse, m’y rends,
glisse une carte dans la boite à lettres…et finis par le joindre au
téléphone !
J’avais une intuition : je
vois de loin la maison d’habitation. Une grande cour. Un camion. Un hangar. Un
professionnel pareil a du recréer un atelier quasi pro, et reproduire à titre privé
son ancienne activité ? Il peut peindre mes pièces me confirme-t-il. Il
peut repeindre une voiture entière si nécessaire. OK !
Je lui donne mes pièces détachées
le 8 juillet. Le boulot est ingrat : il faut tout dérouiller, mastiquer, nettoyer.
Passer un apprêt. Faire fabriquer les teintes, car il n'a quand-même pas pu reconstituer le laboratoire entier. Peindre en deux couleurs, pas
aisé de piger précisément que le pare-brise est vert en bas ; beige
tropique en haut, du moins pour la face avant et les épaisseurs
latérales : en effet, l’intérieur est beige de bas en haut ! Il faut
rénover les côtés du toit dont l’araldite n’a pas pris. J’ai conscience de l’ampleur
de la tâche, et du temps nécessaire.
Pas de nouvelles pendant juillet.
Pas de nouvelles en août : je sais qu’il ne faut jamais brusquer un
artiste, que Saïd est très pris, qu’il prend quelques jours de vacances, (pour calmer l'épouse) ; qu’il
participe à un baptême…(tiens ?)...doit s’occuper de son beau-frère…et la communication
n’est pas son fort ! Je reçois hier un coup de téléphone : il a
(presque) terminé, rendez-vous ce matin à onze heures !
Je rentre avec les pièces, dont
voici les premières photos, en vrac, pré-remontage. Je vais pouvoir m’y remettre, après
tout ce temps. J’ai conscience que le projet a démarré…en mai 2013 !
Quinze mois…je n’ai jamais mis tant de temps… !
enfin, je reprends…!
J’en ai bien conscience, ma compétivité
n’est pas au top niveau,
...d'autant que je suis exclu du Pacte de solidarité
...d'autant que je suis exclu du Pacte de solidarité
qui va nous sauver… !
P.S : les
fois précédentes :
je vous ai parlé de Saïd dans : http://babone5go2.blogspot.fr/2013/06/peinture-pro.html