Nous sommes en 1879, dix ans
avant le centenaire de la Révolution. L’année suivante 1880 sera votée la loi
décidant la date de la fête nationale, tous les 14 juillet, sur proposition de
Benjamin Raspail, (dont la station de métro nous rappelle la mémoire chaque
fois que nous voyageons dans Paris). Et en 1889, année du premier centenaire,
sera organisée la grande fête de la Fédération, qui réunira tous les français.
Un concours est organisé pour
l'installation d'un grand monument consacré à la République. Il sera érigé
place de la République à Paris naturellement.
Le concours est remporté par les
frères Morice : Léopold pour la statuaire et Charles pour le soubassement. Deux
cérémonies d'inauguration ont lieu, le 14 juillet 1880 avec le modèle en
plâtre, le 14 juillet 1883 avec la version définitive en bronze. Le monument
est constitué d'une statue colossale de Marianne en bronze de 9,50 m de haut, sur un
soubassement en pierre de 15 m
de haut. Sont assises tout autour les allégories de la Liberté ; Égalité
et Fraternité. La Liberté éclaire le monde avec un flambeau. L’Egalité tient de
sa main droite le drapeau bleu blanc rouge, et de la main gauche l’équerre
reprise des Francs Maçons. La Fraternité derrière le monument surveille ses
deux poupons, avec les attributs de la prospérité représentée par une araire
sur laquelle repose sa main droite, pendant que son tablier est rempli des
produits agricoles destinés à nourrir sa
famille. L’Agriculture est composante essentielle de la République ai-je
plaisir à vous le confirmer !
Notre (grande) Marianne, une
couronne de laurier sur la tête, est coiffée du bonnet phrygien. Elle brandit à
la main droite une branche d’olivier (vu sa taille, on ne peut plus parler d’un
rameau !). Avec sa main gauche, elle tient la charte des droits de
l’homme.
Et devant le monument, au pied,
le lion (en majesté) représente la force du peuple, s’exprimant par le suffrage
universel, illustré par l’urne qui reçoit les bulletins de vote.
Tous les signes allégoriques,
permettant de lire le message républicain du sculpteur, sont présents.
Le sculpteur Jules Dalou, qui
concourait, mais dont le projet ne fut pas retenu, obtient cependant une
commande pour son « Triomphe de la République » qui sera installé place de la
Nation. Il utilise les mêmes symboles, avec quelques détails
supplémentaires : Marianne marche sur la sphère représentant le
Monde : la République est universelle, et ses valeurs doivent se répandre
sur la Terre entière, y compris s’il faut combattre : pour ce faire, elle s’appuie
sur le faisceau des licteurs, destiné à effrayer les récalcitrants.
Le tout est porté par le char
(de la République) tiré par le peuple. Par la force du peuple. Comme diraient
nos politiques, le peuple est rassemblé,
et tire dans le même sens le char de
la République. Le peuple, ce n’est plus un mais deux lions ! Ils sont
guidés par la Liberté, qui a brisé ses chaines, et brandit toujours son flambeau. Derrière, en tenue
d’Eve, l’Egalité pratique le nudisme, symbole de notre condition humaine, et de
notre égalité devant la mort. D'autres interprètes disent qu'il s'agit de la Paix. Moi je dirais que c'est la Vérité (toute nue) ? La Fraternité est représentée par une maman
(habillée) et ses bébés, figurant la famille, cellule de base de la société. Un des enfants tient une balance, la Justice ; l'autre un gros livre, symbole de la mission éducative de la République. De l'autre côté, un forgeron avec un marteau : le travail ! Dalou glorifie le travail !
Je vous ai montré le troisième
monument Place Carnot à Lyon, dont l’auteur est Peynot, et qui n’a pu retenir
qu’un lion, comme place de la République, pour figurer le peuple. Du moins
est-il présent. Ailleurs en France, les villes moins riches ne peuvent pas
toujours se payer la représentation entière du peuple, ce qui explique la
réduction sous forme du mufle seul (du lion).
Nous on a bien le mufle en bonne
place, le même que sur le pectoral de la Marianne d’Injalbert.
Ouf, les signes y sont,
nous défendons bien la même République !