sex = 6 : la Citroën de Pie XI (1)
Une vraie
italienne !
à sa main droite, le Saint-Père peut pianoter les ordres au chauffeur. Derrière lui à droite, un cierge électrique (12 volts !) |
Le Pape Pie X (1903-1914) s’était
vu offrir, en 1909, par Monseigneur Farlen, évêque de New York, une voiture
américaine, Lune Graham-Paige.
Pourtant, elle ne fut jamais utilisée, pas plus d’ailleurs que les deux autres
véhicules qui lui furent offerts ensuite. C’est donc son successeur, le Pape
Pie XI (1922-1939) qui, le premier, abandonna complètement l’utilisation des
voitures à cheval pour faire sa toute première sortie en Italie, le 22 décembre
1929, avec la Graham-Paige, pour se rendre à la basilique Saint-Jean de Latran.
En juin 1930, la « Societa
Italiana di Automobili Citroën» de Milan, filiale italienne de Citroën, lui
remit une C6 spéciale, pour commémorer le Latran et le Jubilé de son sacerdoce.
Elle fut assemblée dans l’usine milanaise de Via Gattamelata. Son 6 cylindres
de 2442 cm3 et 42 chevaux lui permettait d’atteindre la vitesse de 105 km/h .
Construite sur un châssis C6F,
elle était déclinée en coupé de ville avec carrosserie et décoration
spécifique, et méticuleusement équipée de tous les symboles exigés par
l'exercice pontifical, comme la représentation de l'Esprit Saint par une
colombe incrustée dans la marqueterie du plafond, et un petit trône situé au
fond de la voiture. J’ai dit un trône, mais pas…un trône ! (encore que ?). Plus un porte-brévière et un
Saint Christophe portant le Christ enfant symbolisant le patron des chauffeurs.
A l’époque, le mécène ne lésina
pas avec les matériaux : des intérieurs en or pur, de prestigieux velours
et, l’emplacement du conducteur de couleur rouge amarante avec des mailles
d’or.
La C6 LICTORIA SEX , l’ancêtre de
la papamobile.
Sa Sainteté Pie XI ne l’a
utilisée qu’une seule fois après sa réception le 9 juin 1930 et, il ne s'est
assis que deux fois dans la voiture. La deuxième fois, le 12 mai 1936, avec le
Conte Bezzi-Scali au volant, soit six ans plus tard pour une ouverture
d'exposition. 159 Km
ont, ainsi, été parcourus dans l’enceinte du Vatican, dans le seul but de la
faire rouler et de faire tourner le moteur.
Aujourd’hui, la voiture est
constamment surveillée et un entretien régulier est effectué par des
mécaniciens et des spécialistes de la carrosserie. Elle est régulièrement mis
en mouvement et roule dans les jardins du Vatican. Depuis 1973, elle est garée
au Musée des carrosses du Vatican qui a été institué par le pape Paul VI, et
aménagé dans une grande salle en sous-sol du jardin carré. Y sont conservés des
carrosses, des selles, des chaises à porteurs et des automobiles utilisés par
les différents papes. En particulier la berline de grand gala du pape Léon XII,
la Graham-Paige de 1929, et la chaise à porteurs de Léon XIII…
La teinte unique,
prune-rouge-violet avec liserés dorés, est régulièrement contrôlée par des
spécialistes de peinture historique. La Citroën Lictoria Sex du Pape Pie XI,
malgré son faible kilométrage, a dû être restaurée à leur initiative, dans les
règles de l’art afin d’en assurer une meilleure conservation. Avec seulement 159 kilomètres au
compteur, cette voiture a pourtant traversé presque un siècle d’histoire et,
Monseigneur Pietro Amato, directeur des musées historiques du Vatican a été le
responsable de cette restauration. C’est le 14 décembre 1992 qu'elle commença
pour ce bijou transmis dans le temps et, dont l’histoire est caractérisée par
de nombreuses curiosités, et ce depuis sa conception.
C’est l’entreprise Lechler, de
Côme, créée il y a 150 ans et, spécialisée dans la couleur des carrosseries
automobiles, qui avait en charge la réalisation des peintures. Elle a donc
réalisé ce travail en entier avec des produits réalisés sur mesure pour
l’occasion et les a fournis à la carrosserie interne du Vatican via le
distributeur Colortecnica de Rome.
Le vernis Lechler d’origine a dû
être utilisé pour la restauration de la voiture : pour ce faire les opérateurs
– maison ont récupéré les informations nécessaires dans leurs archives
historiques des voitures de collection afin de permettre une conservation de
plus longue durée de la peinture.
Les teintes de finition sont «
Bordeaux Citroën » et « Or foncé » pour les liserés. Les laboratoires de
R&D de Lechler ont développé un « primer » spécial pour protéger et
renforcer sans alourdir le cache-bagages de la « Papamobile » qui présentait
des fissures évidentes et pour garder l’authenticité de l’ensemble qui n’aurait
pas pu être changé.
Après cette minutieuse œuvre de
restauration, elle est prête, flambant neuf, à fêter son centenaire et à se
faire admirer par les générations futures au Vatican ou dans les rassemblements
d'anciennes pour lesquels elle est aimablement prêtée. Ainsi, cette C6E papale
était-elle visible au14° ICCCR à Rome du 15 au 18 juillet 2008.
Cette année, la poste du Vatican
a édité un timbre à l’image de cette superbe voiture.
Et bien sûr, la calandre est
marquée par un badge de radiateur spécial :
le fonds est non pas bleu (de France),
mais vert (italien),
avec la signature de la Société italienne d’automobiles
Citroën !
(1) C’est une C6, au féminin, licteur
(lictorius) donne lictoria. A Rome, (et nous y sommes), les licteurs sont chargés de protéger et d'exécuter les
décisions coercitives des magistrats. Leur attribut principal, le faisceau de
verges entourant une hache, est leur instrument de contrainte. Le pape, Chef de
la cité du Vatican, se doit d’avoir comme aide à ses déplacements une lictrice
automobile, une lictoria !