La grotte oubliée
L’avantage de rencontrer beaucoup
de monde est d’avoir de temps à autre de bonnes surprises : voilà que je
fais la connaissance de l’ancien Maire de Marsoulas, lors d’une réunion de
préparation de l’installation d’une plaque à la mémoire des résistants du
Comminges. Marsoulas a été un petit Oradour sur Glane, quand le 10 juin 1944,
28 civils ( 11 enfants dont un bébé de trois mois ; 6 femmes et 11
hommes) furent massacrés par des SS de la division das Reich basée à Venerque, et revenant d’attaquer le maquis de
Betchat voisin. Ainsi, en une journée, la population de Marsoulas, qui dépasse à peine aujourd'hui les cent habitants, fut réduite
d'un tiers. La commune a reçu la médaille de la Résistance, et je suis invité
au 70è anniversaire samedi 14 juin prochain.
De fil en aiguille, (nous sommes
en réunion mais comme on traîne un peu on bavarde), le Maire évoque l’autre
célébrité de sa commune : la grotte
oubliée ! Presque aussi belle que Lascaux, et qu’Altamira, dont nous
visitions la réplique la semaine passée ! Sa célébrité : un bison
magdalénien, peint de pointillés rouges ! Il n’en existe aucun autre en
Europe !
La grotte est formée d’une simple
galerie rectiligne de 90 m ,
mais la partie ornée ne dépasse pas 50 m . Elle se présente comme un couloir dont la
section est un triangle rectangle (3
m de large x 4
m de haut environ) ; son côté gauche est toujours
vertical tandis que le côté droit, fortement incliné, forme la voûte.
À 29 m de la porte, une
étroiture marque le passage vers une zone de circulation où il faut s'accroupir
puis ramper. À partir de 40 m
de l'entrée, le sol s'incline en pente abrupte jusqu'au lit actuel du ruisseau.
La première partie de la grotte jusqu'à l'étroiture était occupée par un
important remplissage contenant des couches archéologiques, dont certaines
recouvraient des dessins à la base des parois. Les premières gravures
conservées se trouvent à 3 m
de la porte actuelle.
Première grotte à peintures
préhistoriques signalée dans les Pyrénées en 1897, Marsoulas a joué un rôle
important dans le débat animé qui, au tournant du siècle, opposait partisans et
adversaires de l'existence d'un art “antédiluvien”. Malgré sa persévérance,
l'inventeur Félix Regnault ne parvient pas à convaincre ses contemporains que
les peintures « à la sanguine » comme on disait alors, datent bien du
Paléolithique. Elles ne furent authentifiées qu'à l'occasion d'une visite d’Émile
Cartailhac et Henri Breuil le 4 août 1902, au retour du congrès de
l'Association Française pour l'Avancement des Sciences à Montauban, qui marqua
la reconnaissance officielle de l'art pariétal paléolithique par la communauté
scientifique mondiale. Marsoulas fut classée Monument historique en janvier
1910. Cette brève notoriété fut, pour la grotte, le début d'une longue histoire
de recherches et de fouilles. Pourtant, une bonne part de l'art pariétal
restait inédite, en raison de l'état de conservation variable des peintures, de
la finesse et de la densité des gravures et, enfin, des graffitis qui défigurent
certains panneaux, certains visiteurs n’ayant pas hésité à écrire leur nom pour
la postérité, ne se rendant pas compte qu’ils surchargeaient les dessins
d’origine.
cette conque marine est une énigme : d'où pouvait-elle bien provenir ? |
En 1998, après une évaluation
très positive du potentiel scientifique, une équipe dirigée par Carole Fritz
avec la collaboration de Gilles Tosello a repris l'étude du site. En s'appuyant
sur les travaux antérieurs, notamment ceux de Cartailhac, Breuil et Plénier,
l'objectif s'est orienté non seulement vers une révision complète de l'art
pariétal mais aussi vers une recherche de l'évolution globale de la grotte au
cours du temps. La cavité, dont le sol a conservé d'abondants vestiges de la
vie quotidienne des artistes préhistoriques, a connu une intense fréquentation
humaine sur une période relativement courte que le contexte archéologique
permet de dater autour de 15.000 ans, au début du Magdalénien, le réseau
culturel le plus largement diffusé en Europe à l'époque.
L'art de Marsoulas est en général
de lecture difficile. Pour le visualiser, les photographies s'avèrent
insuffisantes. Il faut alors procéder au relevé graphique de la paroi ornée.
Les opérations de relevé sont systématiques et rigoureuses, tout contact avec
les parois étant interdit. Aussi, les techniques de scan 3D sont-elles
appliquées, avec une précision variable (2 mm pour les zones ornées et 1 cm pour les autres). Une
partie de la galerie a été photographiée pour permettre le « matching »
(collage) des clichés sur le modèle numérique. L'accent a été mis sur le Grand
Panneau Peint pour archiver le secteur le plus riche et être en mesure, si
nécessaire, de le reproduire.
Les images 3D autorisent aussi
une restitution virtuelle des parois. Avec l'accord de la DRAC Midi-Pyrénées,
une partie de ces images 3D a été utilisée dans un film documentaire sur la
grotte (“Marsoulas, la grotte oubliée”). On a pu ainsi proposer, pour la
première moitié de la galerie, une vision “restaurée” des peintures et gravures
après élimination des graffitis et destructions naturelles. Voici le
lien :
En 2009, une autre application 3D
a permis de sculpter par fraisage numérique la reproduction d'une section de
paroi de Marsoulas et la réalisation d'un fac similé du Grand Panneau Peint (7 m x 3 m ), exposé au public dans le
cadre de l'exposition "Art des Origines, Origines de l'Art"
(2009-2011) au Parc de la Préhistoire de Tarascon-sur-Ariège.
Dans les dessins, le bison domine
(60 %), suivi par le cheval (20%) puis les humains (12,5%) stylisés ou
schématisés. On trouve ensuite le bouquetin (4%) et des animaux plus rares
comme le renne (1,5%), la biche (1%), l'isard (1,5 %), le lion (1%), le renard
(0,5%) et la chouette (1%). Parmi d'autres analogies, les chouettes de
Marsoulas rappellent les spécimens des grottes voisines des Trois Frères, du
Portel ou des Églises. L'insertion de Marsoulas dans l'ensemble magdalénien
ariégeois se confirme. Cependant, les assemblages de grands signes rouges ou
des détails stylistiques sur les bisons et chevaux évoquent des œuvres de
l'Espagne cantabrique, au Castillo ou à Altamira par exemple, mais aussi le
Périgord.
alors,
on visite quand ?
voici l'autoportrait de 'l'homme de Marsoulas" |
PS : en cliquant sur la table des matières vous trouverez quelques autres articles sur la préhistoire, dont Gargas naturellement, mais pas que...!