C’est une lampe de Max le Verrier
J’ai retrouvé l’arrière
petit-fils !
on va pouvoir relooker Clarté !
L’Art Déco tire son nom de la
première Exposition internationale des Arts Décoratifs et industriels modernes
qui s’est tenue au coeur de Paris en 1925, a réuni 21 pays, et accueilli plus de
cinquante millions de visiteurs. Au cours de cette exposition, Max LE VERRIER
reçut une médaille d’or.
Ce style fut largement considéré
comme un éclectique mélange d’élégance et de modernisme, imprégné d’influences
diverses (de l’Egypte ancienne, la Grèce antique ou encore de l’art tribal), et
revu par l’aérodynamisme des nouvelles technologies.
A cette époque, on assiste à la
libéralisation de la femme. Les cheveux courts et les robes aux genoux (qui
permettent de danser des charlestons endiablés) caractérisent la figure
emblématique de la « garçonne ». Les plus belles représentations sont Suzanne
LENGLEN (Championne de tennis, symbole du graphisme en mouvement), Tamara de
LEMPICKA (peinture) ou encore Joséphine BAKER (danseuse noire au succès très
populaire)…
La célèbre CLARTE de Max LE
VERRIER, qu’il créa en 1928, est également une parfaite illustration de la «
garçonne ».
|
voici Clarté en bronze argenté, appartenant à C. Le globe en opaline n'est pas d'origine ! |
Cette nouvelle silhouette
féminine, mince et élancée, vêtue légèrement, souvent en mouvement, fut une
source d’inspiration importante pour Max LE VERRIER lorsqu’il réalisa sa série
de petites danseuses, de gymnastes et de lampes Art déco.
Il abordera ce thème et celui des
animaux avec une grande fluidité des lignes et une sobriété des formes. La
beauté captivante de ses créations ne réside pas uniquement dans l’extrême
délicatesse des mains et des visages sculptés, mais aussi dans l’élégance et le
charme de leurs poses.
|
la coiffure "garçonne" |
MAX LE VERRIER (Louis Octave
Maxime) est né à Neuilly sur Seine, le 29 janvier 1891, d’une mère belge et
d’un père parisien orfèvre joailler, boulevard Malesherbes. Ses parents
divorcent alors qu’il a 7 ans. Sa scolarité se fera dans différents
établissements, où il sera pensionnaire et se classera parmi les bons élèves
(Collège de Verneuil sur Avre).
Son amour du dessin et de la
sculpture apparaît très tôt et s’exerce sur des règles en bois qui se
transforment en petites maisons, églises et autres menus objets.
Son père, qui pense que l’avenir
est dans l’agriculture, l’envoie contre son gré dans des écoles d’agriculture,
à St Sever et à La Réole. Max LE VERRIER entretient son goût pour la sculpture
pendant ses loisirs.
Il revient à Paris à 16 ans où il
exerce différents métiers pour échapper au travail agricole, et subvenir à ses
besoins. (Son père l’ayant fait émanciper, il doit se débrouiller tout seul.)
En 1909, à 18 ans, il part pour
l’Angleterre. Il est très difficile de trouver du travail à Londres pour un
étranger ; refusant de revenir en France vaincu, il connaît alors des jours
pénibles.
C’est l’époque héroïque de
l’aviation qui passionne tous les jeunes. Il rencontre un français, JAMESON,
qui achète un avion à crédit et ils ouvrent ensemble une école d’aviation à
Rendon. Les affaires sont difficiles. Jameson cède la place à un jeune anglais
fortuné, George LEE TEMPLE. Max LE VERRIER répare, met au point les appareils
et les moteurs.
Clandestinement, il s’entraîne
sur Bleriot (type « Traversée de la Manche »), puis sur Breguet, tente quelques
vols et passe son brevet de pilote en 1913.
Max LE VERRIER est appelé ensuite
en France pour faire son service militaire, après avoir obtenu un sursis d’un
an ; il est affecté à l’artillerie de forteresse de Cherbourg. Il dépose
plusieurs demandes pour entrer dans l’aviation.
Début 1914, il quitte Cherbourg
pour Reims, comme mécanicien sur les avions. Au début de la guerre, on recense
les pilotes civils. Max LE VERRIER est envoyé à Pau, pour passer le brevet
militaire, puis au front en février 1915 sur Voisin, dans une escadrille de
bombardement. Le 25 mai 1915, il est « abattu » en combat aérien par 2
chasseurs -L.V.G- allemands. Son avion est criblé de balles, et son mécanicien
est tué derrière lui. Par chance, il n’est pas touché, et réussit à atterrir,
mais dans les lignes ennemies et est alors considéré comme « disparu ». Il
recevra la médaille militaire avec palmes à titre posthume, la croix de guerre
14-18 avec palmes.
Il est envoyé dans un camp de
prisonniers à Munster, en Westphalie où il restera 3 ans. Comme pilote et sous
officier, il n’est pas astreint au travail ; il se fait envoyer outils, pâte à
modeler et se met sérieusement à la sculpture. Il se lie avec plusieurs
artistes internés, dont BARDIN, sculpteur sur bois. Il réalise des portraits de
camarades, une statuette de Russe. De temps à autre, les artistes
professionnels et amateurs du camp réalisent une exposition.
Au début de 1917, il a la chance
d’être désigné pour l’internement en Suisse. (Echanges de prisonniers). Il
entre à l’école des Beaux Arts de Genève dans l’atelier de GUIBERT, et il
sympathise avec de bons sculpteurs : Pierre LE FAGUAYS, BOURAINE ; des
peintres, des dessinateurs, qui deviendront de très bons amis et dont il
éditera plus tard quelques unes de leurs oeuvres.
Bénéficiant d’un atelier et de
modèles, il réalise des statuettes, des nus féminins pour la plupart dont il
effectue la reproduction en terre cuite : « Souvenir », « Confidence ».
Il rentre à Paris après l’armistice du 11 novembre 1918,
muni de peu de ressources, mais nanti d’un grand esprit d’indépendance. Il va,
à partir de cette date consacrer toute sa vie à la sculpture.
|
la vraie boule est en verre craquelé |
Il loue un atelier d’artiste rue
du Théâtre, où il travaille 12 heures par jour. Il édite quelques oeuvres en
terre cuite, puis réalise sa première sculpture, son célèbre PELICAN dans le
style 1925 (sculpture à la hache). Cette pièce, signée ARTUS (pseudonyme de Max
LE VERRIER), a un grand succès et est à la base de sa maison d’édition créée en
1919. Il assure tout lui-même, la fabrication (fonte, ciselure, patine) et la
vente de ses oeuvres.
En 1921, il se marie avec Jeanne HUBRECHT. L’année suivante,
son premier fils Jean-Paul naît ; son deuxième fils Bernard naîtra en 1930.
Rue du théâtre, ils vont pouvoir
ensuite s’agrandir, grâce à la libération d’une petite maison (style Mimi
Pinson), au fond d’un jardin peuplé de nombreux chats qui sont à l’origine de
son « chat assis », suivi d’une série d’animaux dont il cherche l’inspiration
dans les zoos et cirques (Jardin des Plantes, Cirque Bouglione au Jardin
d’Acclimatation dans le bois de Boulogne). Il réalisera un « MARABOUT », un «
ECUREUIL » de tendance cubiste, ainsi que des panthères (« BAGHERA»), des
chimpanzés (« SINGE AU PARAPLUIE »), des chevaux, des lions,… en compagnie de
célèbres animaliers dont POMPON (triomphe en 1922 avec l’Ours blanc exposé au
salon d’automne), HERNANDEZ, DELHOMMEAU.
Parallèlement, il va créer de
nombreux bouchons de radiateurs de voiture, très prisés à cette époque,
notamment, le modèle « EOLA » réplique du célèbre bouchon de la Rolls.
Les bénéfices réalisés sur les
premières créations lui permettent d’embaucher des ouvrières qu’il forme
lui-même et d’engager un représentant. Il fonde sa propre société en 1926. Sa
collection est déjà très étoffée, c’est la période américaine, l’âge d’or
jusqu’en 1929.
Max LE VERRIER sculpte de nombreuses statuettes, hommes,
danseuses.
C’est en 1928 qu’il réalise sa
célèbre CLARTE, femme à la boule de lumière, pièce maitresse en bronze, d’après
modèle vivant. En réalité, il y a eu trois modèles différents : un pour la
tête, un pour le torse, et un pour les jambes : une noire américaine des
ballets de Joséphine BAKER. Cette torchère des années 30 reprend l’idée de
l’Antique déesse de la lumière, et symbolise en même temps l’époque par sa
coiffure à la garçonne et la sobriété de sa ligne.
La CLARTE a figuré dans
l’exposition « LUMIERES » qui a eu lieu à Paris au centre Georges Pompidou /
Beaubourg de Mai à Août 1985, « MADE IN France » chez Harrod’s à Londres en
1987 ; et « MAIN DE MAITRE » au grand Palais en 1987, à l’hôtel MARTINEZ à Cannes
en 2000.
Deux exemplaires peuvent être admirés dans le grand salon de
l’hôtel LUTETIA à Paris.
Max LE VERRIER réalise des
lustres, des appliques et pieds de lampes, des serre-livres. Il édite également
des oeuvres de camarades : Pierre Le FAGUAYS, (dont certaines de ses sculptures
sont signées, FAYRAL ou GUERBE, ses pseudonymes) renommé pour ses élégantes
danseuses, BOURAINE, également talentueux mais mort très jeune, MERIADEC,
JANLE, et bien d’autres.
La maison Max LE VERRIER prend de
l’ampleur au fil des années ; Max LE VERRIER s’adjoint une secrétaire et un
comptable, transforme sur le plan commercial son affaire personnelle en S.A.R.
L (1928) et engage des représentants multicartes. L’atelier de la rue du Théâtre
et la maison d’habitation voisine servent de bureaux et de salle d’exposition
et la fabrication est transportée 90 rue des Entrepreneurs dans le 15ème
arrondissement.
En 1933, il achète un terrain au
cœur du vieux Montparnasse dans le 14ème arrondissement, 30 rue Deparcieux, au
fond de l’impasse dans un nid de verdure. Il abandonne la rue des Entrepreneurs
pour monter l’atelier de fabrication rue Deparcieux.
Enfin, en 1938, il décide de tout
centraliser rue Deparcieux : l’atelier personnel, l’atelier de fabrication, la
fonderie, les bureaux, la salle d’exposition, les salles de réserves et son
appartement.
Quand la 2ème guerre mondiale
éclate, l’installation date de 8 mois. Pendant l’occupation, il poursuit son
oeuvre avec beaucoup de difficultés. (Il manque de tout à cette époque). En
liaison avec la Résistance (sa maison est un lieu de mémoire où se sont
produits de nombreux faits de résistance. Elle a servi de boîte aux lettres),
il est arrêté par les miliciens de PETAIN. Retenu pendant 4 jours dans leurs
caves, il est remis aux allemands, et est relâché ; mais quelques jours après
la Milice se présente une nouvelle fois à son domicile. Il réussit à s’échapper
par une sortie ouvrant dans une propriété mitoyenne, dont l’entrée était située
rue Daguerre. Celle-ci avait été aménagée pour faire échapper des ouvriers qui
travaillaient clandestinement (juifs ou en contravention avec le Service du
Travail Obligatoire en Allemagne).
Sous une fausse identité, il
habite chez des amis à Paris, puis réussit à gagner le Gers, où il a une
propriété et où habitent sa femme et ses deux fils. Dans cette grande maison,
ils vont héberger de nombreuses personnes pendant la guerre, leur faisant
bénéficier de la nourriture de la ferme, et vont aider des prisonniers de
guerre. (Correspondance, envois de colis…).
Pendant cette période, son fils aîné, Jean Paul, élève à
l’Ecole des Beaux Arts de Toulouse, qui fait partie de la classe 42, totalement
soumise au servie obligatoire en Allemagne, prend une identité de rechange pour
y échapper et y parvient.
Max LE VERRIER rentre à Paris en
septembre 1944, et trouve son habitation, ses ateliers et sa salle d’exposition
pillés par la Milice. (Meubles de bureau, statuettes, machine à écrire,
meubles, argenterie, vêtements, etc… ont disparu.) Le pillage n’avait pas été
complet grâce à l’intervention de la Police parisienne et il va retrouver
quelques meubles et objets grâce à son ami Pierre BOURSICOT, devenu chef de la
sûreté nationale, dans un dépôt de pièces récupérées chez les miliciens.
A la libération, Max LE VERRIER
rouvre les ateliers. La guerre terminée, la vie normale reprend peu à peu. Les
principaux éditeurs de bronze ont presque tous disparu. Monsieur LEHMANN est
mort au camp de concentration, Mr GLODSHEIDER est ruiné.
Max LE VERRIER reprend la
fabrication des statuettes en fonte d’art et en bronze, puis oriente son
activité vers la création d’objets en bronze : coffrets, cendriers, articles de
bureau, articles religieux, médailles et sigles dont le décor s’inspire des
chefs d’oeuvres antiques, ou moyenâgeux, des armoiries des villes , des
châteaux de la Loire, des cathédrales, des musées, et des collections privées.
Il est secondé par plusieurs ouvriers qualifiés et par son contremaître, Mr
MARSAILLE (grande médaille d’or du travail). Sa femme et ses deux fils
travaillent également pour lui.
Sculpteur infatigable, il crée
une nouvelle série d’animaux en bronze, édités en petit format. (Oiseaux,
rhinocéros, âne, chèvre, ours, otarie et un groupe « DON QUICHOTTE et SANCHO
PANCA »). Jusqu’à son dernier souffle, il fait de la sculpture et termine, sur
son lit d’hôpital, une petite panthère 3 jours avant de disparaître, le 6 juin
1973, à l’âge de 82 ans.
Il est enterré au cimetière de Fontenay les Bris, à côté de
son ami LE FAGUAYS disparu 10 ans avant lui.
Jean Paul LE VERRIER (1922- 1996)
reprend la société de ses parents. Il a fait des études de dessin et de
sculpture aux Beaux Arts de Toulouse, de 1939 à 1943 (Prix de peinture en 1943)
et aux Beaux Arts de Paris de 1945 à 1949. Il est architecte-décorateur
d’expositions et réalise des pavillons français pour des expositions
internationales, tout en continuant la peinture et la sculpture parallèlement.
Il fait du dessin humoristique, crée de nombreuses affiches, et après le décès
de son père crée plusieurs œuvres : des bronzes humoristiques (« OURS » , «
CHAT A LA BOULE », « CHAT GUERIDON »), des cendriers, des serre-livres («
TEQUEL »)…
Jean Paul LE VERRIER était extrêmement attaché à toute
l’œuvre de son père et soucieux de la poursuivre, il initie son fils, et
maintenant son petit-fils.
Je viens de retrouver Damien Blanchet-Le
Verrier, dont les installations sont maintenant en banlieue, 101 rue Gabriel Peri,
à 94270 Kremlin Bicêtre, la famille ayant du vendre la rue Deparcieux pour payer les frais de succession.
Il fait perdurer l’art décoratif des débuts
et la figure de « la garçonne »
ouf ! il maintient les plus belles traditions
de la french touch !
P.S : Récit extrait du site de Damien Blanchet-le Verrier :